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Le Juge De La Constitutionnalité

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Par   •  7 Décembre 2014  •  4 830 Mots (20 Pages)  •  1 206 Vues

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Le juge administratif, un nouveau juge de la constitutionnalité des lois ?

« Tout a déjà été dit ». En 1937, Achille Mestre avait alors raison en commentant l’arrêt Arrighi rendu par le Conseil d’Etat un an plus tôt (6 décembre 1936, requête n°41221). Raymond Carré de Malberg, Maurice Hauriou ou encore Léon Duguit avaient mené en leur temps des joutes verbales pour défendre ou condamner le contrôle de constitutionnalité des lois par le juge administratif. S’inscrivant dans le contexte de la IIIème République, ce débat avait une autre saveur, une autre teinte. Les légicentristes s’opposaient aux constitutionnalistes d’alors, dont faisait partie le Conseil d’Etat. La doctrine encourageait le juge administratif à exercer cette nouvelle prérogative qu’était le contrôle de constitutionnalité de la loi. Cependant, ce même juge considérait que cela outrepassait ses pouvoirs. On lui demandait de piétiner les belles paroles de Montesquieu voulant que le juge soit la bouche de la loi.

« Tout a déjà été dit ». Non. Achille Mestre avait raison en son temps, mais l’évolution du droit lui donne désormais tort. Les vérités d’antan ne sont plus celles d’aujourd’hui. Les fonctions et pouvoirs du juge administratif ont grandement évolué. De la fin du référé législatif à l’acceptation du contrôle de conventionalité de la loi, l’office du juge administratif n’est plus celui qu’il était avant. Se refusant d’abord à devenir le « censeur de la loi », selon l’expression de Bruno Genevois, il accepta de devenir petit à petit le protecteur des droits fondamentaux. Sa jurisprudence s’est enrichie, ses pouvoirs se sont affinés, il est devenu le juge du droit public. Cependant, il est nécessaire de préciser que le juge administratif  désignera ici avant tout le Conseil d’Etat. Les arguments qui auraient pu être développés concernant les juges administratifs ordinaires sont similaires à ceux relatif au Conseil d’Etat. De plus, sa jurisprudence est la jurisprudence, en ce sens qu’elle influence les tribunaux, les cours d’appel, voire le Conseil Constitutionnel. Enfin, il n’est ici question que de sa fonction de juge, et donc de sa fonction contentieuse, et non de son rôle auprès du gouvernement.

« Tout a déjà été dit ». Non. La question prioritaire de constitutionnalité, née de la révision constitutionnelle de 2008, entrée en vigueur le 1er mars 2010, a permis de renouveler l’éternel débat. Le juge administratif est devenu le filtre de la question prioritaire de constitutionnalité, ce qui l’a  mené sur un terrain qui l’embarrasse, selon Laurent Seurot : la constitutionnalité de la loi.

Les évolutions récentes des prérogatives du juge administratif en matière de contrôle de constitutionnalité de la loi modifient-elles réellement le rapport du juge à la loi ?

« Tout a déjà été dit ». Je le répète : non. Les arguments des grands auteurs publicistes du début du  siècle dernier ont été pertinents, mais l’évolution du droit les remet en cause partiellement. Depuis le début des années 1990, la jurisprudence a évolué dans un sens qui, tout en rappelant son incompétence à contrôler la constitutionnalité de la loi, rendait cette compétence plus légitime. La Constitution a été modifiée, afin de confier au Conseil constitutionnel le contrôle des exceptions d’inconstitutionnalité. Le changement de circonstances de droit place le juge face à la loi et face à ce que l’on appelle communément, la « QPC » (I). Néanmoins, il parait difficile d’admettre que tous les arguments du XXe siècle soient désormais périmés. Est-ce que ces changements de circonstances de droit modifieraient totalement les positions anciennes ? Cela ne me parait pas être le cas. Si certains considèrent que la réforme de 2008 a fait du juge administratif le censeur de la loi, il semble nécessaire de rappeler que la règle d’or du contentieux administratif impose le respect de la loi par le juge (II).

I. Le changement de circonstances de droit : le juge administratif  face à la « QPC »

« Il nous semble que la jurisprudence administrative et le contexte normatif ont suffisamment évolué depuis 1936 pour que la réponse ne s’impose pas d’évidence et mérite un examen approfondi ». On ne peut contredire Roland Ricci sur ce point. Les circonstances de droit ont changé, notamment du fait de la dernière révision constitutionnelle. L’office du juge en a été bouleversé. Qu’est donc devenue cette fonction de juger pour les juges administratifs ? On apprend aux jeunes étudiants que juger, c’est dire le droit. Qu’est ce que dire le droit alors ? Cela peut prendre des formes diverses : interpréter le droit, sanctionner le droit ou encore construire le droit.

Dire le droit, interpréter le droit

A la question de savoir si le juge administratif est juge de la constitutionnalité de la loi, il faudrait donc comprendre qu’il serait l’interprète de la Constitution. Cependant, interpréter la Constitution, le juge  administratif le faisait déjà à propos d’autres actes juridiques. Le changement de circonstances de droit provient de la révision constitutionnelle de 2008 qui confère au juge administratif en général, et au Conseil d’Etat en particulier, le rôle de filtre. En effet, le juge doit confronter les questions prioritaires de constitutionnalité à des critères afin de décider de les adresser ou non au Conseil constitutionnel. Le juge doit apprécier notamment le caractère sérieux de la question, ce qui l’amène irrémédiablement à effectuer un pré-contrôle de constitutionnalité. Contrairement au juge administratif ordinaire qui doit vérifier que la question n’est pas dénuée de caractère sérieux, le Conseil d’Etat doit apprécier la question qui lui est  posée dans le fond. Contrairement au juge administratif ordinaire, le Conseil d’Etat ne doit pas être le « juge de l’évidence ». Il doit donc interpréter la Constitution et la loi afin d’évaluer la conformité de la seconde avec la première.

Lorsque le juge administratif doit apprécier la conformité de la loi à la Constitution, il lui arrive d’interpréter la loi de manière à ce qu’elle soit conforme à la norme suprême. C’est ce que l’on appelle l’interprétation conforme. Cela consiste à dire que la loi ne sera conforme à la Constitution, que si elle est entendue et  appliquée d’une certaine manière, interprétation que le juge administratif détermine. On peut en voir un exemple dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 09 juillet 2010 Société COFITEM (CE 09-07-2010 n° 332551). Il s’agissait d’une question

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