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La Phrase Au CP : Comment Les Enseignants Choisissent-ils Leurs Exercices

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Par   •  2 Mars 2014  •  4 614 Mots (19 Pages)  •  888 Vues

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L’existence, chez les grammairiens et linguistes, de quelque deux cents définitions, toutes différentes, illustre le caractère protéiforme de la phrase, sensible chez les théoriciens qui s’attachent à la cerner, compte tenu de leur souci à circonscrire un objet qui, paradoxalement, est souvent défini de manière expéditive et dogmatique dans nombre de manuels. Pour l’heure, considérons cinq points de vue, privilégiés tour à tour, ou parfois conjointement, par tel ou tel auteur (notamment Soutet, 1989-2009 ; Campana, 2002 ; Riegel, Pellat et Rioul, 2004 ; Siouffi et Van Raemdonck, 2007) : le point de vue graphique, le point de vue prosodique, le point de vue sémantique, le point de vue syntaxique (grammatical ou formel). Même si, toutefois, ces points de vue s’avèrent insatisfaisants, voire difficilement opératoires dès que l’on s’écarte des structures de phrase les plus typiques.

Du point de vue graphique d’abord, la phrase est définie comme un élé-ment de la chaîne syntagmatique compris entre une majuscule faisant suite à un point et autre point. Admettons qu’il s’agisse, à l’extrême rigueur, d’une règle de reconnaissance de niveau scolaire ; encore faudrait-il, selon Soutet (2009), à l’intérieur de ce cadre, pouvoir s’appuyer sur une rigoureuse hiérarchie des signes de ponctuation. D’un point de vue prosodique ensuite, elle est marquée par une intonation caractéristique (montante puis descen-dante pour une phrase assertive, montante pour une phrase interrogative, descendante pour une phrase injonctive) et limitée par deux pauses importantes de la voix. Ce sont là toutefois des paramètres d’appréciation délicate. Selon Bonnard (1981), les pauses de la parole sont de durée mal définie, et des suspensions de débit s’ajoutent aux pauses syntaxiques chaque fois que le locuteur s’arrête pour chercher ou peser un mot. Quant aux courbes d’in-tonation, ce ne sont pas des unités discrètes de nature à se dissocier nettement l’une de l’autre.

Du point de vue sémantique, la phrase se présente comme une unité de pensée ou encore comme un assemblage de mots ayant un sens complet. Cette définition pose toutefois des problèmes selon Siouffi et Van Raemdonck (2007). Les mots peuvent-ils faire phrase (comme oui, toujours, jamais, etc., donnés en réponse) ? Les phrases incomplètes, inachevées, qui ne forment pas un « sens complet », ne restent-elle pas des phrases ? Le verbe est normalement l’assurance que la phrase comporte un noyau prédi-catif. En cas de phrase nominale, le nom est considéré comme prédicatif. Ici encore, la question de la « complétude » de la phrase se pose. Enfin, une phrase agrammaticale, incorrecte, est-elle encore une phrase, même si elle est comprise ? La grammaire générative considère que le lien entre phrase, sémantique et grammaire est constitutif de notre activité langagière. D’un point de vue syntaxique (grammatical ou formel) enfin, elle est une unité d’ordre syntagmatique, c’est-à-dire correspondant à une structure invariante de constituants, obtenue par l’application systématique d’une procédure de commutation (analyse en constituants immédiats).

L’étude de la phrase est clairement prescrite dans les programmes de l’école, et fait l’objet d’un apprentissage long, notamment dans l’enseignement de l’écriture. Dans les Instructions officielles de juin 2008, en effet, il est précisé que les premiers éléments grammaticaux à enseigner au cycle des apprentissages fondamentaux (cycle II) concernent essentiellement la phrase simple, les classes de mots, les fonctions, le genre et le nombre, et le verbe. À la fin du CE1, les élèves doivent être capables de lire et comprendre seuls un texte adapté à leur âge et d’écrire de manière autonome un texte de cinq à dix lignes, syntaxiquement et sémantiquement cohérent, en utilisant le point et la majuscule. Pour maîtriser ces compétences, ils doivent avoir compris l’organisation des mots dans les phrases, ainsi que l’organisation des phra-ses dans un texte.

Dans la réalité pourtant une part importante d’enfants semble rencontrer des obstacles quasi insurmontables lorsqu’ils doivent rédiger des phrases agencées en réseau, au sein d’un texte. En effet, l’écriture de phrases en con-texte leur pose des problèmes dont la solution ne relève pas exclusivement de savoirs d’ordre métalinguistique. Le recours à la grammaire, dans certaines situations didactiques précises, présente certainement un intérêt, lorsqu’elle est en phase avec le développement de la conscience syntaxique de l’enfant. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’apprendre à écrire des textes correcte-ment segmentés en phrases, il semble bien que « s’appuyer uniquement sur des critères définitoires ou de catégorisation ne soit pas d’une réelle efficaci-té, tout comme recourir aux savoirs déclaratifs intégrés au cours de la scola-rité » (Campana, 2002).

Par ailleurs, des activités telles que reconnaître une phrase, définir une phrase, écrire une phrase, rédiger un texte composé de phrases mettent ef-fectivement en œuvre des processus cognitifs ainsi que des savoirs déclara-tifs et procéduraux de nature et de complexité différentes. Mais la question est de savoir ce que l’on attend exactement des élèves, quelles compétences l’on souhaite leur voir acquérir. Conduire chaque élève à l’écriture auto-nome de texte semble être l’incontournable. Or cela pose le problème de la place de l’apprentissage de la phrase et des choix didactiques qui le conditionnent. En effet, « si l’on considère la phrase comme le segment minimal entrant dans la constitution du texte, il convient de se demander s’il est plus judicieux de parfaire en premier lieu la maitrise de ce segment minimal ou bien s’il est plus opératoire d’inférer les bornes et l’agencement de cette unité textuelle de l’écriture même de textes plus complexes » (op. cit.).

Pour toutes ces raisons et étant donné les ambiguïtés, les zones de flous et les aspects contradictoires qu’elle génère, la phrase est un domaine idéal pour une enquête sur les pratiques. D’autre part, à notre connaissance, le terrain n’est pas déjà fortement couvert par d’autres travaux du même genre. Cette exploration à, de ce fait, un intérêt en soi à nos yeux. Mais elle nous est surtout indispensable dans la mesure où nous cherchons à intervenir dans ce champ sur le plan didactique. Avant de faire quelques propositions didactiques, il est nécessaire de connaître les pratiques d’enseignement, ce que nous nous proposons d’aborder à partir d’exercices d’application. Nous ten-terons en outre de préciser ce qui détermine leur choix. Nous nous intéresse-rons tout particulièrement aux usages que les enseignants

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