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L'appel En Contentieux Administratif

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Par   •  3 Juin 2013  •  3 122 Mots (13 Pages)  •  1 397 Vues

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L’appel en contentieux judiciaire privé

par Yves STRICKLER

Professeur à l’Université de Strasbourg

1. Dans leur lettre d’invitation, les organisateurs de cette journée d’études ont fixé pour objet premier de la manifestation, un anniversaire, et l’ont assorti d’un vœu d’espoir qui est de permettre « à chacun de progresser dans sa connaissance d’une voie de recours parfois négligée par la doctrine universitaire ». Il faut dire, à la décharge de cette doctrine que les réformes successives de l’Université et spécialement la réforme LMD qui a conduit à minorer les volumes d’enseignement dans bien des établissements, n’ont guère facilité les choses : car s’il est bon d’écrire dans les domaines que l’on enseigne et d’enseigner dans les disciplines où l’on développe sa recherche, l’étude normalement chronologique de toute question de procédure, amène à observer, presque en bout de course, les voies de recours parmi lesquelles celle qui exprime le double degré de juridiction, la voie d’appel. Et immédiatement, il me revient de perturber un peu la fête et les 20 ans des CAA, car la question du double degré de juridiction ne se limite pas à l’existence même de cours d’appel, ce qui apparaît à la simple lecture du programme de la journée, qui annonce qu’en contentieux administratif, le Conseil d’Etat peut lui aussi être juge d’appel… ?

En droit judiciaire privé, l’exercice d’une voie d’appel -d’un recours de second degré-, peut aussi se concevoir (mais ce n’est évidemment pas la norme) en-dehors de la cour d’appel. L’hypothèse se vérifie en droit civil, où l’on remarque par exemple qu’un recours peut, en toutes matières, être formé devant le tribunal de grande instance contre les décisions du juge des tutelles et contre celles du conseil de famille (art. R. 311-3 COJ) ; mieux encore, l’hypothèse se signale à l’article R. 211-2 du Code de l’organisation judiciaire qui permet par décret en Conseil d'Etat pris après avis du conseil de l'organisation judiciaire, de déterminer « les matières ressortissant à la compétence du tribunal d'instance dont le tribunal de grande instance connaît en appel ». L’hypothèse se révèle également en droit pénal, avec notamment le jeu de l’appel circulaire, qui consiste à saisir une autre cour d’assises que celle qui s’est prononcée en un premier temps. L’histoire nous a appris à ce sujet que la multiplication des voies de recours sous l’Ancien Régime avait conduit la Révolution à ramener à deux degrés le nombre des juridictions. Mais en 1789, l’appel circulaire était porté d’un tribunal de district à l’autre. C’est avec Napoléon que des tribunaux spécifiques à l’appel se sont imposés sur le devant de la scène judiciaire. Aujourd’hui et s’agissant de l’appel criminel, on se souviendra que, même circulaire, le double degré ne se conçoit qu’avec l’idée d’une juridiction hiérarchiquement supérieure à celle qui s’est prononcée la première, en se souvenant aussi qu’en l’occurrence, la supériorité de la cour de second degré ne tient qu’au nombre plus important de jurés tirés au sort pour composer la cour d’assises… Enfin et parfois, ce n’est pas la cour mais son premier président qui est érigé en juridiction d’appel, comme par exemple s’agissant des contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats .

2. En 1828, Bentham faisait l’éloge des cours d’appel et il tenait pour acquis leur haute mission : « Réformer des décisions injustes, soit que l’injustice ait été involontaire, soit qu’elle ait eu pour cause l’ignorance ou l’erreur ; prévenir des jugements volontairement iniques, en ôtant l’espérance de les voir jamais exécutés. Considérer une cour d’appel comme simplement utile, ce n’est point s’en faire une assez haute idée, elle est d’une nécessité absolue » .

L’idée dominante dans la perception des cours d’appel telle qu’ici exprimée, est le souci de maintenir un équilibre dans la chaîne des instances, du premier degré jusqu’au plus élevé, en passant par cette voie de recours du second degré. Avec une juridiction hiérarchiquement supérieure, composée selon un principe de collégialité alors que le premier juge statue souvent dans sa souveraine solitude, avec des magistrats plus expérimentés et après un temps qui a nécessairement permis aux éléments du litige de reposer, l’appel apparaît comme un moyen privilégié d’assurer tant une bonne administration de la justice que la sauvegarde des libertés publiques, puisque tout porte à penser que les éventuelles erreurs commises en première instance seront alors corrigées. En écho, l’article 543 du nouveau Code de procédure civile dispose de manière générale que : « La voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est autrement disposé ».

3. « L'appel [dit l’article 561 du nouveau Code] remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ». L'effet dévolutif de l'appel ainsi affirmé apparaît comme l'expression même du double degré de juridiction. Cette expression vise la possible réformation de la décision de premier degré ; mais, dans un souci de limiter les pertes de temps et d’énergie, la voie d’appel est aussi devenue une voie d’achèvement. Conservons ce premier temps de l’étude : l’expression de la voie d’appel en droit judiciaire privé matérialise une voie de réformation mais aussi une voie d’achèvement.

Une fois le principe du double degré affirmé, il se manifeste, en droit privé , par l'effet suspensif normalement attaché à la voie d’appel et à son exercice (art. 539). Cet effet suspensif vise à éviter que ne soit créée une situation sur laquelle il faudrait revenir en cas de succès de l'appel. L'objectif poursuivi est alors d'éviter que tout soit d'ores et déjà réalisé dès le stade de la première instance. Cet effet suspensif et ses évolutions formeront le second temps de la présentation de l’appel en droit judiciaire privé.

I. L’expression de la voie d’appel en droit judiciaire privé : une voie de réformation mais aussi une voie d’achèvement

4. De nos jours, l'accélération du jugement des affaires est l’une des attentes prioritaires des justiciables et l'idée s’est imposée que différer

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