LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Je ne sais pas planter un clou

Thèse : Je ne sais pas planter un clou. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Juin 2022  •  Thèse  •  9 633 Mots (39 Pages)  •  238 Vues

Page 1 sur 39

Je ne sais pas planter un clou (essai)

Dans ma jeunesse j’entendais des connaissances de ma famille prononcer cette phrase, ce qui m’intriguait. Je n’arrivais pas à comprendre ce fait incroyable, quelqu’un ne savait exécuter un acte d’une telle simplicité : planter un clou avec un marteau. Tout gamin n’a qu’un désir, planter un clou. Surement au début il se tapera sur la main, mais il apprendra vite et y prendra un réel plaisir. Avouer qu’on ne sait pas planter un clou, c’est dire qu’on n’a jamais été gamin, ce qui n’est pas possible, tout le monde a été gamin. Mais alors celui qui prononce cette phrase ne dit pas la vérité ! Pourquoi ment-il ? Qu’a-t-il à gagner en disant cette fadaise ? D’autre part je sentais vaguement comme une once de satisfaction chez celui qui prononçait cette phrase, ce qui ajoutait à mon trouble. Non seulement il doit mentir mais en plus il en retire de la satisfaction ? Comment est-ce possible ?

Par la suite d’autres déclarations tout aussi saugrenues se sont ajoutées : je ne sais pas coudre un bouton, je ne sais pas faire cuire un œuf, j’ai deux mains gauches (ceci plus rarement), etc.

J’ai fini par comprendre que ces personnes signifiaient à leurs interlocuteurs qu’ils avaient affaire à un ou une intellectuelle qui vivait dans les sphères éthérées de la pensée et non sur le plancher ou seuls des êtres tels que les vaches pouvaient exister.

Des dizaines d’années ont passé avec toujours cette idée qui revenait de temps en temps en mémoire. J’ai cherché une explication à ce comportement et je vais vous exposer celle que j’ai trouvé. Je vous la donne en prenant le risque d’apparaître farfelu. Comme disait un professeur de faculté au jury qui s’apprêtait à écouter le thésard qu’il présentait : « si non é véro es ben trovatto ». Le jury n’avait pas trop apprécié, l’humour doit être employé à bon escient.

Pour donner des éléments d’explication à ce que j’appellerais du mépris ou de la condescendance pour le manuel, l’aspect pratique des choses, je suis remonté à la Grèce antique, c’est-à-dire 600 ans avant Jésus-Christ, cette Grèce qui est le berceau de la civilisation occidentale qui a inventé la philosophie et la démocratie, la rhétorique et l‘art oratoire, le théâtre et l’architecture, etc.

Mais c’était il y a plus de vingt-cinq siècles et les conditions de vie étaient profondément différentes.

Dans son histoire de la philosophie en 1950 le britannique Bertrand Russell[1] écrit au début du chapitre III :

Deux tendances opposées se manifestent aujourd’hui lorsqu’il s’agit d’étudier la culture grecque. Une, pratiquement universelle depuis la Renaissance et jusqu’à ces toutes dernières années considère les Grecs avec une admiration respectueuse, quasi superstitieuse, comme les avantages de tout ce qu’il y a de meilleur au monde, comme des hommes au génie surhumain avec lesquels les modernes ne peuvent espérer rivaliser. L’autre attitude, due aux conquêtes de la science, et à une foi optimiste au progrès, regarde l’autorité des anciens comme une tyrannie et affirme qu’il serait bon d’oublier la plus grande part de leur contribution dans le domaine de la pensée. Il est impossible de me rallier à l’une ou l’autre de ces attitudes extrêmes chacune a sa part de vérité et d’erreurs.

Il faut être courageux pour oser mettre en question l’admiration de la Grèce antique, et vous remarquerez que c’est un anglais qui le fait, je ne suis pas sûr qu’un français oserait le faire.

L’élément le plus important à prendre en compte en parlant de la Grèce antique concerne l’esclavage. La Grèce antique était une société esclavagiste, ce qui n’est pratiquement jamais explicité dans le système éducatif français. Qui n’a jamais entendu un professeur nous parler de l’esclavage à Athènes ? Et pourtant c’est un fait avéré, attesté par de nombreuses références historiques.

L’esclavagisme.

Lorsqu’il est abordé (rarement) dans les manuels d’histoire, c’est en le minimisant en laissant penser que c’était anecdotique. Il est évident que les statistiques au sens moderne n’existaient pas dans l’Antiquité mais les historiens et notamment Henri Wallon[2], ont montré que la proportion d’esclaves était extrêmement élevée dans les villes-états grecques, je prendrais exemple de trois d’entre elles : Sparte, Chio et Athènes.

Sparte : D’après Hérodote il y avait 31 400 citoyens spartiates pour 220 000 hilotes. Ces esclaves n’étaient pas propriété personnelle des citoyens mais étaient gérés par l’état. Leur condition était proche des serfs du moyen-âge. La proportion était de 7 esclaves par citoyen.

Chio : D’après Thucydice il y aurait eu entre 210 000 et 270 000 esclaves pour 65 000 citoyens soit environ 3 esclaves par citoyen.

Athènes : Le recensement de Démétrios de Phalère en 317 avant J.C. sur la population d’Athènes indique 20 000 citoyens, 10 000 métèques et 400 000 habitants. Ces chiffres ont été décortiqués et recalculés par Henri Wallon qui est arrivé à l’estimation suivante : 67 000 citoyens, 40 000 métèques et 310 000 esclaves, soit environ 3 esclaves par citoyens.

Ces chiffres sont contestés mais les historiens s’accordent à dire que la proportion d’esclaves était au minimum de 30 à 35% de la population[3], ce qui est comparable au sud des Etats-Unis au 17ème et 18ème siècle. Je pense que cette estimation est beaucoup trop basse, Pierre Salmon dans un article sur la population de la Grèce antique dans le Bulletin de l’Association Guillaume Budé paru en 1959 indique que pour Athènes et le Pirée la population devait comporte un bon tiers de citoyens la plupart des métèques et les deux tiers des esclaves. (Pages 462 et 463)

Il fallait être un citoyen particulièrement pauvre pour ne pas pouvoir se payer des esclaves. On cite le cas de ce citoyen qui demande une pension, car il n’a pas les moyens d’avoir un esclave pour travailler à sa place.

En conséquence le fait que la Grèce Antique était une société esclavagiste n’est en définitive pas contestable.

Ceci crée une gêne certaine chez les laudateurs de la culture grecque. Certains s’en sortent en disant que compte tenu du très haut degré de civilisation atteint, le prix payé est, somme toute, acceptable. (Le bilan est globalement positif comme disait un homme politique de chez nous bien connu).

Les esclaves étaient employés en grande partie dans les grands domaines agricoles.

Une autre partie importante travaillait dans les mines.

...

Télécharger au format  txt (63.6 Kb)   pdf (216.6 Kb)   docx (43.6 Kb)  
Voir 38 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com