Essai libre sur le harcelement

L’INSOUTENABLE

Je m’appelle Marine et j’ai 12 ans. Je suis élève en 5emeB au collège Jean-Paul Sartre et c’est la rentrée des classes. Cela fait maintenant un an que je fréquente cet établissement. Avant j’étais une élève studieuse dans l’école primaire de ma commune. Ma mère était si fière de moi… Je me rappelle encore les fêtes d’anniversaire qu’elle m’organisait avec toutes mes copines pour me féliciter. Je suis née en juin et donc forcément anniversaire rimait avec fin des classes et félicitations pour le passage au niveau supérieur.

Quand je suis rentrée en 6ème j’étais si fière de moi. Je me sentais si grande si joyeuse et si forte. D’ailleurs, j’allais prendre le bus pour aller et rentrer de l’école comme les adultes. Alors mes parents m’ont offert mon premier smartphone, mon tout premier smartphone. Que j’étais contente, je rayonnais.

Et puis, petit à petit les choses ont changées. Rien de bien méchant au début. Je n’ai pas bien compris pourquoi les copines que j’appréciais et qui m’appréciaient en retour me tournait progressivement le dos. Ce n’était tout de même pas ma faute si mes parents n’avaient pas les moyens de m’acheter les dernières chaussures à la mode ou les jeans montrés en boucle lors des publicités entre les émissions de télé réalité. J’avais beau leur expliquer que mon père était au chômage suite à la délocalisation de son usine de fabrication de pneumatique, rien n’y a fait. Un brin malheureuse, le gout n’y était plus alors mes notes ont suivies le mouvement et se sont mis elles aussi à chuter. Ma mère ne paraissait plus du tout aussi fière de moi qu’avant. Mais comment leur expliquer, sans faire du mal à mon père qui noyait déjà un peu trop son chômage dans un whisky trop bon marché. Les SMS de mes copains étaient de plus en plus froids et moi je sentais l’hiver m’envahir. J’étais si seule… Que ce soit à l’école où à la maison tout le monde me paraissait de glace, alors moi aussi j’ai noyé mon chagrin. Non pas dans l’alcool mais dans les sucreries en tout genre…

Et puis je rêvais en secret d’ouvrir mon premier compte facebook. Si je ne pouvais avoir de copains réels peut être que je serais comblée avec des amis virtuels. Comme j’ai attendu ce moment et comme j’étais joyeuse quand, lors de mon dernier anniversaire j’ai atteint l’âge légal et que j’ai obtenu l’autorisation de mes parents tant souhaitée. Si j’avais su ce qui m’attendait.

C’est comme si la terre entière avait pu déverser sa haine et sa frustration sur la coupable idéale que j’étais devenue. J’étais la grosse, Peggy la cochonne. J’en ai eu mon lot de blagues débiles et de photos outrancières. Le pire de tout c’est que je n’avais plus un seul moment de répit. C’était comme une spirale infinie qui m’entrainait et me blessait. Les insultes commençaient à l’école et se poursuivaient le soir sur facebook, étaient reprises par des gens que je ne connaissais même pas pour alimenter les quolibets qui allaient reprendre le lendemain au collège. Je ne sais ce qui est le pire, subir la haine d’inconnus ou le mépris total des personnes qui ont grandi avec moi et que je considérais comme mes amies. Et tout cela sera sans fin. Je suis au centre du cyclone et je flotte dans l’incompréhension et la douleur.

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