En quoi la vitesse permet-elle de percevoir le monde différemment ?

SUJET 3

En quoi la vitesse permet-elle de percevoir le monde différemment ?

« La splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse » disait Filippo Tommaso Marinetti. Il faut dire que depuis le XIXᵉ siècle et sa révolution industrielle la société à dominante agraire et artisanale a basculé vers une société commerciale et industrielle poussant à l'innovation et aux progrès techniques, modifiant ainsi notre rapportau monde. Notre société est désormais rythmée par des phénomènes d’accélération, et ce dans tous les domaines ; les moyens de transports toujours plus rapides, les transmissions des données en temps réel, les gains de productivité… Tout doit aller vite, il faut optimiser le temps au maximum, jusqu’à en perdre pied, car l’Homme du XIXème siècle est un homme pressé, qui n’a pas une minute à perdre.

Il serait intéressant de nous interroger sur notre perception du monde au travers de la vitesse.

Tout d’abord nous verrons le rapport à la vitesse dans le monde du sport, puis aborderons les effets produits par le progrès technique sur notre vie, et traiterons par la suite la vitesse au travers du monde artistique.

La vitesse permet de multiplier les possibles, de vivre avec intensité de nombreuses expériences. Elle est grisante, elle procure une ivresse chez l’Homme qui est source de satisfaction. Pour les athlètes la quête du record nécessite exploits physiques et techniques. Le dépassement des limites qu’elle implique a quelque chose de fascinant. Cette charge d'adrénaline peut susciter chez l'Homme une envie de se dépasser, un désir de lâcher prise : la vitesse lui donne alors l'impression d'échapper à sa condition limitée, de s'évader de la monotonie quotidienne, voire de fuir ses problèmes. La pratique sportive provoque les mêmes sensations. Et pour cause, elle est animée par la vitesse. Les pilotes de courses automobiles par exemple ressentent lors de leurs courses un sentiment de puissance, de supériorité qui leur donne l’impression de dominer le monde et leur fait perdre la raison. Ils sont tellement fascinés par ce phénomène qu’ils en oublient les risques. C’est le cas des motards participant au Tourist Trophy, une course à moto sur route qui se déroule tous les ans début juin sur l’île de Man en Angleterre. Elle est considérée comme étant la course la plus dangereuse au monde. Le circuit du Tourist Trophy fait 60 km de long pour 264 virages. C’est une route qui est utilisée à longueur d’année par les habitants. Rien à voir avec un circuit habituel : elle traverse des villages, des portions de campagnes et la zone des montagnes. Cette course est dangereuse pour les pilotes mais également pour ceux venus admirer la course. En effet, les motards vont atteindre jusqu’à 300 km/h, à cette vitesse il est impossible de contrôler son engin. Une sortie de piste et les personnes autour peuvent dire aurevoir à leur vie aussi. Cependant la fascination pour la vitesse et la perception du monde qu’elle procure prend le dessus du risque évident de mort. La vitesse fédère la foule, anime les pilotes et permet de s’évader du monde présent en la contemplant car tout est démultiplié.

La modernité et le progrès technique modifient notre rapport au temps et à l’espace. Les médias en sont révélateurs, avec la circulation d’informations toujours plus rapide. Cette vitesse de transmission pousse l’être humain à être à l'affût de la moindre actualité et à dépendre de cette dernière. Les réseaux sociaux et leur instantanéité ont modifié le caractère humain, rendant l’Homme impatient et dépendant de ce mode de communication. En effet, jadis les personnes communiquaient en s’envoyant des lettres et devaient attendre des jours et des jours pour espérer une réponse. Dans son essai « Accélération », le philosophe Hartmut Rosa débute son ouvrage par une fable qui invite à réfléchir sur notre nouveau rapport au monde. Il met en lumière les différentes évolutions technologiques comme le téléphone par exemple, cette véritable révolution permettant d’être instantanément en contact avec quelqu’un où l’on veut et quand on le souhaite. Pour l’un des protagonistes, Patience, qui auparavant devait parcourir les sentiers pendant 6 longues heures à pied, juste pour aller voir son ami PasseTemps, c’est une prouesse. Cet objet a totalement bouleversé les manières de communiquer et la notion du temps. Auparavant il fallait attendre de longs jours avant de recevoir une réponse si l’on envoyait un courrier pour communiquer par exemple. Désormais, il suffit de composer un simple numéro comme l’a fait Patience. Or, même si dans cette œuvre l’auteur voit ces innovations comme quelque chose de positif sur la société car elles ont permis un gain de temps au quotidien, on se rend compte que ces dernières conduisent à une perte du contact humain. Le personnage de la fable Patience ne va plus rendre visite à son ami PasseTemps puisqu’il est loin et que maintenant le téléphone leur permet d’échanger. Notre rapport au monde a été chamboulé. L’Homme moderne dépend des machines, il est beaucoup moins indépendant et débrouillard. Cette prise de contrôle par la société industrielle a inspiré un mouvement littéraire et artistique européen du début du XXᵉ siècle, qui rejette la tradition esthétique et exalte le monde moderne, en particulier la civilisation urbaine, les machines et la vitesse ; le futurisme. 

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