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Droit civil des biens

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Par   •  23 Mars 2015  •  Analyse sectorielle  •  2 142 Mots (9 Pages)  •  938 Vues

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Droit civil des biens

En l’espèce, pour promouvoir la construction d’un immeuble, la société SCIR Normandie a lancé un projet publicitaire. Ce dernier comprend en sus d’informations particulièrement élogieuses sur le projet immobilier, la reproduction de la façade d’un immeuble rouannais classé monument historique, l’hôtel de Girancourt. Or, la société SCP hôtel de Girancourt, propriétaire du dit immeuble, s’estime lésée faute d’avoir donné l’autorisation de la publication de l’image. Ainsi, la société intente une action en justice afin d’obtenir réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi suite à l’utilisation de l’image litigieuse.

La Cour d’appel de Rouen a débouté la société de sa demande en date du 31 octobre 2001 en précisant que « le droit de propriété n'était ni absolu ni illimité et ne comportait pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien ». Sur ces bases, la Cour fait état de la nécessité, pour la société, de démontrer l’existence d’un préjudice en indiquant que ce dernier ne saurait résulter de la seule reproduction de l’image du bien sans l’accord du propriétaire. De plus, les juges du fond concluent à l’absence d’une telle démonstration en se fondant sur le caractère accessoire de la reproduction de l’image litigieuse au regard de l’objet du document publicitaire. Ainsi, la Cour considère qu’à elle seule la reproduction de l’immeuble sans l’autorisation, ne suffit pas à caractériser le préjudice de celui-ci.

Le demandeur a alors formé un pourvoi en cassation. Dans la première branche de son moyen, il soutient tout d’abord que les juges du fond ont violé l’article 544 du Code civil en s’abstenant de démontrer l’existence d’un préjudice bien qu’elle affirme que « le droit de propriété n’est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l’image de son bien ». En effet, la Cour d’appel considère que la seule reproduction du bien sans le consentement de la société immobilière ne suffit pas à caractériser le préjudice.

La société immobilière considère ensuite que le fait pour les intimés d’acheter une photographie prouve bien la valeur commerciale de la façade restaurée et par conséquent du préjudice subi en l’intégrant dans un prospectus publicitaire. Les demandeurs arguent de ce fait le droit de jouir pleinement des fruits susceptibles d’en découler ou à défaut, de percevoir une juste rémunération de ceux-ci.

Enfin, dans la dernière branche de son moyen, le demandeur fait valoir que les cartes postales comportent au dos des mentions qui témoignent de la volonté pour le propriétaire de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire la façade du monument historique.

Les juges de la Cour de cassation ont donc été amenés à déterminer si le propriétaire d'un immeuble, exposé à la vue du public, a le pouvoir sur le fondement de l’article 544 de s’opposer à l’exploitation de photographies de son bien prises par une société sans son autorisation ? En d'autres termes, si pareille exploitation est un attribut du droit de propriété ?

La Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, a rendu un arrêt de principe le 7 mai 2004 sur le fondement de l’article 544 du Code civil. Les juges de la Haute juridiction confirment les motifs de la Cour d’appel venant par là même les approfondir en énonçant que « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci » tout en précisant que celui-ci « peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ». Les juges de cassation ajoutent qu’en l’espèce le trouble anormal n’est pas établi et rejettent ainsi expressément le pourvoi.

Depuis l’affirmation de la théorie du droit à l’image, la première chambre civile de la Cour de cassation n'a jamais expressément énoncé que le propriétaire d'une chose disposerait d'un droit exclusif sur l'image de cette chose. Dès lors, ayant décidé de mettre fin à la jurisprudence Gondrée, l'Assemblée plénière a considéré qu'elle ne pouvait faire autrement que d'affirmer l'inexistence d'un pouvoir exclusif du propriétaire sur l'image de son bien (I). Ce revirement jurisprudentiel est néanmoins troublant en tant que les juges de la Haute juridiction assortissent la fin de la reconnaissance du droit à l’image du bien par son propriétaire d’une réserve qui autorise ce dernier à s’opposer aux utilisations de la dite image en cas de « trouble anormal » (II).

I – la consécration d’un revirement jurisprudentiel : la remise en cause du caractère exclusif du droit de propriété

Le droit à l’image d’un bien en tant que notion complexe est source de nombreux débats et, si la doctrine pensait la question résolue depuis 1999, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a manifestement voulu réduire de manière décisive la ligne jurisprudentielle qui énonçait que l’exploitation de l’image d’un bien porte atteinte au droit de jouissance de son propriétaire (A). Ainsi, la Haute juridiction semble avoir pris finalement conscience des nombreuses difficultés de mise en œuvre de la construction juridique de l‘image des biens décidant dans des termes sans équivoques que «le propriétaire d‘une chose ne dispose pas d‘un droit exclusif sur l‘image de celle-ci» (B).

A – Un arrêt majeur venant confirmer une nouvelle norme jurisprudentielle

la jurisprudence antérieure à l’arrêt de l’Assemblée plénière a consacré le droit à l’image d’un bien en permettant au propriétaire de s’opposer à la reproduction de celui-ci.

En ce sens, la première chambre civile de la Cour de cassation a, dans l’arrêt de principe café Gondrée du 10 mars 1999, énoncé expressément que l’exploitation d’un bien sous forme de photographie porte atteinte au droit de jouissance de son propriétaire. Il s’agissait ainsi de réaffirmer le caractère exclusif de propriété, autrement dit que le propriétaire d’un bien pouvait interdire à autrui d’en fixer et utiliser l’image. Le monde de l'illustration s'était alors ému de cette décision excessive au périmètre mal défini, contestation quelque peu calmée par la jurisprudence postérieure.

En effet, depuis cet arrêt majeur, les juges de la haute

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