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De Moins En Moins De Droit Pour Les étrangers

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Par   •  21 Novembre 2012  •  4 000 Mots (16 Pages)  •  859 Vues

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De moins en moins de droits pour les étrangers

Les familles sous contrôle

Après la Seconde Guerre mondiale, l’immigration familiale a été favorisée par le gouvernement, qui voyait en elle une réponse aux besoins démographiques de la France, un élément permettant de fixer les travailleurs étrangers et de favoriser leur intégration. Cette volonté a été concrétisée par la ratification de la convention européenne des droits de l’Homme, texte par lequel la France s’est engagée à respecter le droit de tous, étrangers comme nationaux, à vivre en famille. Mais la façon dont ce droit fondamental a été intégré dans la loi témoigne de la difficulté des gouvernements à prendre en compte des considérations humaines, et pas seulement économiques ou politiques, en matière d’immigration. Qu’il s’agisse de la procédure de regroupement familial à proprement parler ou plus largement de la réunion des familles, les conditions fixées par la loi ont le plus souvent limité voire entravé les possibilités de vivre en famille. C’est encore ce que cherche à faire aujourd’hui le gouvernement, en rendant l’immigration familiale responsable de tous les maux.

En théorie, le droit pour un Français de vivre avec ses proches parents étrangers est reconnu puisque des titres de séjour sont prévus pour les conjoints de Français, les parents d’enfants français et les enfants de parents français. Cependant, l’application effective de ce droit se heurte à des obstacles, officiellement mis en place par les gouvernements pour lutter contre des détournements de procédure dont pourtant aucune étude n’a jamais évalué l’importance. C’est par le combat contre les mariages « blancs » qu’on justifie les atteintes à la liberté matrimoniale dont sont frappés tous les étrangers. L’alibi de la lutte contre les mariages frauduleux permet également d’ajouter des conditions supplémentaires et d’allonger les délais pour que les conjoints de Français aient droit à une carte de séjour ou à la nationalité française. Les parents sont aussi suspectés de reconnaître des enfants qui ne sont pas les leurs dans le seul but d’obtenir des papiers : on se sert de ce prétexte pour restreindre l’accès à la carte de résident de tous les parents d’enfants français.

Pour les étrangers qui souhaitent être rejoints en France par leurs enfants mineurs ou leur conjoint vivant au pays d’origine, c’est la procédure de regroupement familial qui s’applique. Là encore, la balance entre le respect du droit de vivre en famille et la volonté de maîtriser les flux migratoires entraîne les gouvernements successifs à adopter des lois constituant le plus souvent des restrictions, en jouant sur les nombreuses conditions du regroupement familial. Formation linguistique et civique dans le pays d’origine, contrôle du logement, des ressources, de « l’intégration » sont aujourd’hui autant de mesures discriminatoires qui transforment la réunion d’une famille en parcours du combattant.

Enfin, ceux qui ne peuvent prétendre ni au regroupement familial ni à une régularisation en tant que membre de famille de Français ont droit d’obtenir une carte de séjour lorsqu’ils possèdent des attaches familiales fortes en France. A sa création, cette nouvelle carte de séjour instituée par la loi Chevènement de 1998 a représenté une avancée et a permis d’espérer que le droit de vivre en famille serait respecté. C’était sans compter sur les limitations introduites par les gouvernements suivants, qui ont ajouté des conditions supplémentaires : intégration dans la société française, connaissance des valeurs de la République, absence de liens familiaux au pays, ancienneté, stabilité, réalité, intensité de la vie familiale en France. Toutes ces conditions ont transformé cette disposition en entrave à la réunion de nombreuses familles. Et comment demander à un étranger de s’intégrer quand on l’empêche de vivre avec son conjoint et ses enfants ?

Renforçant toujours plus des normes arbitraires que n’atteindraient pas de nombreuses familles de nationalité française, soumettant l’espoir d’une vie familiale normale à la légendaire rigueur de l’administration et à la suspicion, les législateurs successifs ont oublié de faire le bilan humain de leurs décisions. Jeunes majeurs à qui on refuse de rester aux cotés de leurs parents parce qu’il leur reste une grand-mère au pays, parents âgés qu’on empêche de vivre avec leurs enfants parce qu’ils n’ont pas obtenu le bon visa, concubins à qui on refuse un titre de séjour parce qu’ils vivent ensemble depuis « seulement » quatre ans, épouse qui ne peut faire venir son mari pendant plusieurs années parce que ses toilettes ne répondent pas aux normes… La liste des victimes de cette politique est pourtant longue.

La carte de résident, une espèce en voie de disparition

Avec la création de la carte de résident de dix ans en 1984, une rupture symbolique majeure est engagée : la population immigrée n’est plus considérée comme un volant de main d’œuvre mais comme une composante de la société française. Pourtant, la carte de résident va subir de nombreux revers qui vont peu à peu limiter son application et même la vider de son sens.

Le 3 décembre 1983, près de 100 000 manifestants accompagnent à Paris l’arrivée de « la marche des beurs », partie deux mois plus tôt de Marseille. Reçus à l’Elysée par François Mitterrand, ils obtiennent satisfaction sur l’une de leurs revendications : la création d’une carte de résident de dix ans.

A sa création, la carte de séjour de dix ans est délivrée et renouvelée « de plein droit » à certaines catégories d’étrangers : conjoint de Français, parent d’enfant français, étranger présent en France depuis plus de quinze ans, ou depuis l’âge de 10 ans, étranger reconnu réfugié ou bénéficiant du regroupement familial… Elle peut également être délivrée à la discrétion du préfet à ceux qui justifient d’une résidence régulière et ininterrompue de trois ans. Dès décembre 1984, soit quelques mois après sa création, ces principes sont battus en brèche avec l’introduction par décret d’une condition nouvelle de preuve de l’entrée régulière en France. Cette première restriction est suivie, en septembre 1986, par une seconde condition, la justification par l’étranger d’un séjour régulier en France au moment de la demande de carte de résident, puis par la loi Pasqua qui restreint les catégories d’étrangers concernés.

A nouveau en 1989, un coup de balancier revient partiellement sur les restrictions de 1986, mais en 1993, la seconde

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