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Commentaire de texte "Le Monde comme il va"

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Par   •  10 Mai 2016  •  Commentaire de texte  •  1 899 Mots (8 Pages)  •  1 506 Vues

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Le statut de l’écrivain n’a cessé d’évoluer au fil du temps. Subordonné à l’économie, à la censure, l’homme de lettres a souvent été contraint à s’adapter, quitte à renier ses idées. Le mécénat royal de Louis XIV, s’il a conduit au succès Molière, Racine ou Boileau, a eu aussi pour effet pervers d’assujettir l’artiste. Au cours du XV, il fut sans doute sais I par l’hypocrisie des courtisans qui entouraient le roi. Dans Le Monde comme il va, il rend compte de cette réalité et se sert de l’apologue pour dessiner le modèle de l’homme de lettres idéal. Mais comment procède-t-il précisément ? Nous verrons, dans un premier temps, qu’il décrit son contre-modèle, faisant la satire des faux lettrés. Il dresse, ensuite, un portrait élogieux d’un vieux lettré.

Le narrateur, tout d’abord, s’en prend durement aux écrivains. Mais s’agit-il vraiment de son point de vue ? Le texte, très vite, se nourrit d’images, les lettrés étant désignés comme des ”guêpes”, des ”parasites” ; et, sur la fin du premier paragraphe, le narrateur écrit que ”Babouc jugea qu’il n’y aurait pas grand mal quand cette vermine périrait”. Le verbe ”juger”, dont Babouc est le sujet, nous indique qu’l s’agit là d’une focalisation interne. Or, la métaphore de la vermine rejoint les deux premières images, assimilant les lettrés à des êtres petits, sans valeur. Il est donc probable que toute la scène du repas est vue depuis son commencement à travers les yeux de Babouc mais la confusion possible avec le point de vue du narrateur n’est pas si dommageable tant il est vrai qu’ici, le point du narrateur et celui de son héros sont similaires. Cette focalisation interne est fondamentale car le lecteur découvre Persépolis en même temps que Babouc et épouse du même coup ses jugements, ses réactions. Enfin, le Scythe, devenant lecteur lui-même, propose une significative mise en abyme su lecteur lui-même, amené à évaluer les bassesses et les grandeurs du ”monde comme il va”.

Notre héros est confronté ici non pas à un, mais beaucoup de mauvais lettrés. Pour rendre compte de cette multitude, le narrateur use de pluriels pour les désigner: les ”quelques lettrés”, les ”convives”, sont donc aussi des ”parasites”, des ”guêpes”, car ces insectes sont de nuisibles envahissants, que l’imagination rattache habituellement ici à une colonie et là, à un essaim. Il est bien question de nombre, comme le montre l’emploi de la comparaison ”il en vint deux fois plus qu’il n’en avait demandé”, qui les fait apparaître comme sous l’effet d’une génération spontanée. Les pronoms indéfinis ”quelqu’un d’eux”, ”les autres”, ”chacun d’eux”, ”l’un”, ”un autre” ou le pronom personnel indéfini ”on” renvoient à des personnes imprécises : il s’agit bien non pas d’individualiser la critique, mais au contraire, de la généraliser, puisqu’il pourrait s’agir là de n’importe quel écrivain. La périphrase finale ”toute la troupe” les renvoie d’ailleurs tous dos à dos.

Cependant, leur communauté n’est pas unie : ces écrivains se jalousent, s’agressent verbalement. S’ils sont comparés à des ”guêpes”, c’est encore parce que contrairement à l’abeille, aimable butineuse, la guêpe est un insecte qui se montre particulièrement agressif, prompt à attaquer et piquer. Leur demandes auprès de Babouc visent toutes l’élimination d’adversaires, comme l’indiquent le verbe dans l’expression ”exterminer un auteur”, ou les noms dans ”la perte d’un citoyen”, ”l’extinction de l’académie”. Ces paroles, d’ailleurs, ne sont pas rapportées au discours direct, mais indirectement, comme pour permettre au narrateur de reformuler plus explicitement la teneur violente de leur demandes. Le discours narrativisé est ainsi employé pour résumer leurs propos en le définissant comme des ”choses insultantes”. On retrouve le même procédé elliptique pour décrire leurs écrits, présentées comme des ”gazettes de la médisance”, des ”archives du mauvais goût”, des ”lâches satires”, des ”romans dénués d’imagination” : inutile de les citer dans le détail donc, car elle n’en valent pas la peine. Domine ici, systématiquement et de façon très significative, le champ lexical de la méchanceté, qui révèle leur caractère.

Cette agressivité est l’expression des défauts fondamentaux : ces lettrés sont des lâches qui n’utilisent la parole que guidés par leur intérêt. D’ailleurs, elle n’est pas fondamentalement leur priorité, puisque l’ordre des verbes dans l’expression ”ces parasites se pressaient de manger et de parler” signale de façon subtile que la nourriture est ce qui les préoccupe avant tout. On les imagine même du coup parler la bouche pleine! Et l’énumération de leurs défauts, ”l’envie, la bassesse et la faim” revient finalement de façon allusive, grâce au mot ”faim” employé certes ici au sens figuré, mais dont on entend aussi le sens propre, à cette obsession de la nourriture, si courante dans les fables de La Fontaine. Au fond, il y a là un rapprochement peut-être essentiel : ces lettrés ne sont-ils pas comme les courtisans de la cour de Louis XIV, comparables à des animaux ? Comme par contagion, les personnes qui figurent dans leurs livres sont appelées à leur tour des ”vautours” ou des ”colombes”. Comme dans la fable, on se comporte lâchement, on ”ménage” le puissant, le ”vautour”, capable de nous faire du tort ; on ”déchire colombe”, autrement dit l’être inoffensif. La parole, comme chez les courtisans, sert à la flatterie de celui qui nourrit, personnage mis en valeur parmi les contemporains grâce à l’expression ”excepté le maître de maison” située en fin de phrase. Enfin, comme des courtisans, les lettrés ne revendiquent pas une liberté quelconque, mais le métier de ”valet”.

La critique de ces lettrés revêt au bout du compte une vraie violence et l’incinération finale de leurs ouvrages part Babouc, geste éminemment symbolique,

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