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APP Stage

Rapport de stage : APP Stage. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Mars 2018  •  Rapport de stage  •  2 788 Mots (12 Pages)  •  794 Vues

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Description de la situation

Je débute ma deuxième semaine de stage à l'EHPAD, une structure en partie gérée par des religieuses, qui se veut familiale, et qui peut accueillir 53 résidents. Il est midi. Pour prendre leur repas, les résidents sont installés dans trois salons différents répartis sur les trois niveaux de l'EHPAD. Les deux premiers niveaux sont réservés aux personnes qui ont conservé une certaine autonomie et qui peuvent se nourrir et s'hydrater sans aide, alors que le salon situé au 2ème étage rassemble sept résidents qui nécessitent une aide complète au repas, ainsi que dans tous les gestes de la vie quotidienne. Ils sont tous en fauteuil roulant et atteints de pathologies demandant un certain "isolement" vis à vis des autres résidents, ainsi que de la nourriture entièrement mixée et de l'eau gélifiée. Ayant déjà fait le service au restaurant lors de ma première semaine, je décide de me rendre utile au 2ème étage et suis curieuse du comportement à adopter face à des personnes dépendantes et ayant un régime alimentaire précis.

A mon arrivée, Aurore, ma référente aide-soignante, me propose d'aider un résident "compliqué" à prendre le repas. Tout au long de l'analyse, je le nommerai Mr P.

Mr P a 72 ans et est atteint de démence frontale depuis deux ans (date à laquelle il est également entré en EHPAD). L'évolution de sa pathologie est rapide et il ne s'exprime oralement que par un unique son : "AAAAAHHHH" qu'il hurle sans cesse toute la journée, et une bonne partie de la nuit. On l'entend d'ailleurs du rez-de-chaussée bien qu'il se trouve au 2ème étage.

De plus, il lui arrive d'avoir des gestes vifs et violents envers le personnel ou les résidents qui le côtoient et ce, même s'il n'en n'a pas l'intention. De ce fait, le médecin a prescrit une légère contention au fauteuil la journée (sous forme de ceinture pelvienne), ainsi que des barrières de protection la nuit afin d'écarter tout risque de chute. Il est traité par DEPAKOTE 1g trois fois par jour, un médicament agissant sur les troubles bipôlaires d'après mes recherches. En regard de son dossier de soins informatisé, Mr P n'est cependant pas diagnostiqué comme étant bipôlaire. Après questionnement auprès de mes collègues, j'apprends que ce traitement a été prescrit quelques jours avant mon arrivée en stage, sur demande du personnel qui ne supportait plus les cris incessants, troublant également le lieu de vie des autres résidents. Aurore me prévient que Mr P ne parle pas et qu'il faut le faire manger rapidement afin qu'il soit amené en chambre par la suite. Ma première appréhension fait son apparition : moi qui privilégie le moment du repas comme un véritable échange verbal, j'envisage mal de "le gaver" dans un silence religieux. Je me sens démunie avant même d'avoir commencé.

Je ne me décourage pas pour autant et prends un plateau-repas sur lequel se trouvent une entrée, un plat, un dessert et un verre d'eau gélifiée à la fraise. Je m'assied aux côtés de Mr P pour qu'on soit à la même hauteur, et positionne son plateau devant lui sur la table du salon, afin qu'il puisse voir le contenu de celui-ci. Je sais que même s'il ne s'exprime que par un son, il comprend ce qu'on lui dit et ce qui se passe autour de lui. J'entreprends alors de lui expliquer oralement le contenu de ses plats mais étant donné que tout est mixé et que le menu est différent des autres résidents, je rencontre une première difficulté : j'ignore de quoi sont composés les plats. Je demande à ma collègue le contenu du menu des mixés afin d'en faire profiter Mr P.

  • "Bah ça doit être de la viande et des légumes, t'embêtes pas avec ça. De toute façon il mange de tout."
  • "Ah d'accord..."

Peu convaincue par sa réponse mais n'osant pas m'affirmer du fait de mon statut, je prends le bol dans lequel se trouve l'entrée et en inspecte le contenu : une mixture grisonnante pas très appétissante. Je reconnais à l'odeur que c'est de la sardine, ou tout du moins, quelque chose qui s'apparente à du poisson. Malgré la remarque de ma collègue, je décide de parler à Mr. P.

  • "Apparemment, votre entrée est un poisson. Vous voulez goûter ?"

"AAAAAHHH" est tout de ce que j'obtiens comme réponse de sa part. Il ouvre néanmoins la bouche, ce que j'interprète comme une acceptation à l'aider. Il termine l'entrée et le plat principal assez rapidement et, bien que j'ignore de quoi se composait ce dernier, Mr P semble avoir apprécié car il a les traits du visage détendus.

Je remarque que depuis le début du repas il ne s'est pas hydraté. Je lui porte donc le verre d'eau gélifiée à la bouche, tout en lui expliquant que c'est aromatisé à la fraise. Je constate qu'il a un mouvement de recul lorsque j'approche le verre mais ne ferme pas la bouche pour autant. Je l'aide à s'hydrater et après déglutition, il affiche une expression contrariée, suivie d'un "AAAAAHHH" un peu plus colérique que ceux auquels je suis habituée à entendre. Il n'a bu qu'une seule gorgée et semble ne pas apprécier.

  • "Depuis qu'on a changé le goût du sirop, il ne boit quasiment pas. Je crois qu'il n'aime pas la fraise. En général il a de la menthe", me précise ma collègue.
  • "Dans ce cas je vais aller lui préparer un peu de menthe gélifiée..."
  • "Non, non, tu lui fais boire comme ça. On a terminé la menthe ce weekend, faut utiliser la fraise maintenant, on va pas ouvrir 36 bouteilles de sirop non plus !"
  • "D'accord..."

Mon regard croise celui de Mr P et alors que j'approche une nouvelle fois le verre de ses lèvres, je l'entends parler pour la première fois :

  • "C'est pas bon !"

Je suis choquée car je pensais qu'il ne s'exprimait plus avec des mots, c'est ce qu'on m'avait expliqué. Je m'empresse de me tourner vers ma collègue :

  • "T'as entendu ?! Il m'a parlée !"
  • "Oui, oui, ça lui arrive parfois. Faut quand même qu'il boive son verre. Bon courage..."

Elle a l'air blasée par la situation alors je prends sur moi et explique à Mr P que même si ce n'est pas à son goût, il faut absolument qu'il s'hydrate et qu'il finisse au moins le verre. Il s'exécute, plus conciliant que je ne l'aurais espéré, bien qu'il affiche une mine dégoûtée.

Une fois le supplice de l'eau gélifiée terminé, le meilleur arrive enfin : je lui montre le dessert. Une crème au chocolat, vu la couleur. Je lui explique le contenu et il mange tout avec envie.

Je termine par lui essuyer la bouche à l'aide de sa serviette et je débarasse le plateau-repas. Mr P se met alors à hurler dans ma direction. Je me retourne pour lui faire face. Il essaye d'attraper un stylo bille mais la contention qui entrave ses mouvements rend sa tentative vaine. Il me regarde fixement tout en tendant le bras vers le stylo. Je comprend qu'il me demande de l'aide et, en observant la table, je remarque alors un cahier de jeux dans le coin. Des mots mêlés. J'en déduis que c'est à lui et demande confirmation à ma collègue. C'est bien le cas. Je place alors le carnet devant lui tout en lui mettant le stylo dans la main droite, sans réellement savoir s'il est droitier ou gaucher. Apparemment j'ai vu juste. Je reste un instant auprès de lui, simplement à le regarder faire et je remarque au bout de quelques minutes que ses cris ont cessé. Il est concentré sur le jeu.

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