LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Scène Du Parloir De Manon Lescaut

Commentaires Composés : Scène Du Parloir De Manon Lescaut. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Avril 2014  •  4 895 Mots (20 Pages)  •  2 046 Vues

Page 1 sur 20

Le texte que nous allons lire est la scène cruciale de l'Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, ce roman de mœurs à forte tonalité autobiographique, avec les arcanes du roman à clef tout en s'inscrivant profondément dans les réalités sociales et économiques du temps, paru à Amsterdam en 1731, pour l'édition princeps (puisque l'édition de référence date, avec ses corrections moralisantes, de 1753), comme septième tome des Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde; ce dernier se nomme le marquis de Renoncour; homme respectable, expérimenté, âgé de 60 ans, il précise dans son avis qui sert de prologue au roman lui-même qu'il veut peindre, avec le chevalier, un caractère ambigu, un mélange de vertus et de vices, un contraste perpétuel de bons sentiments et d'actions mauvaises: il s'agit de rendre un «service considérable au public [...], l'instruire en l'amusant». Oui, à en croire le véritable auteur de ces Mémoires, l'abbé Prévost, il s'agit d'un «traité de morale agréablement réduit en exercice», ce qui ne manque pas de sel de la part de notre prêtre, élève des jésuites, soldat de fortune, bénédictin de l'abbaye de Saint-Maur, ayant prêté la main à un écrit satirique du temps: les Avantures de Pomponius, chevalier romain, ou l'histoire de notre tems - où les amours du régent sont évoquées, pour mieux les excuser - collaborateur émérite à la Gallia Christiana, défroqué - ou plutôt ayant quitté son ordre régulier sans que son bref de translation eût été fulminé-, exilé, converti au protestantisme, amant de Lenki Eckhardt, ce pour la partie de sa vie antérieure à l'édition de notre roman. Comme sa vie échevelée, l'abbé Prévost, au moment de notre texte, a déjà singulièrement compliqué sa trame narrative: en effet, avant de donner la parole aux souvenirs du chevalier, le marquis est censé l'avoir rencontré à Pacy une première fois, en compagnie de sa belle. 2 ans plus tard, il retrouve le chevalier, seul, en piètre équipage, et écoute sa... confession au Lion d'Or. Notre héros remonte alors à son coup de foudre avec Manon Lescaut. Subjugué, séduit, charmé, il l'enlève, ou plutôt, ils s'enlèvent et quittent Amiens pour Paris où, après avoir fraudé les droits de l'Eglise, Manon ne peut vivre d'amour ni d'eau fraîche: elle cède aux avances sonnantes et trébuchantes d'un fermier général, M. B. et trahit son chevalier que le père de ce dernier, pour éviter toute mésalliance de son fils mineur, s'empresse de faire enlever et enfermer par trois de ses valets sous la conduite de son fils aîné. Après un séjour de 6 mois dans la maison paternelle transformée en prison, où notre héros s'est consacré (sic!) à un commentaire amoureux sur le quatrième livre de l'Enéide avec les amours déçues de Didon et d'Enée, commentaire qu'il destine à l'édition, de retour en France, il se décide, sur les instances de son mentor Tiberge (pour citer la vignette de l'édition de 1753), à commencer des études de théologie au séminaire de Saint-Sulpice, ce qui lui permet de porter le petit collet. Sérieusement revenu à de pieux sentiments, il ne peut que nous faire part de sa consternation face à sa rechute avec Manon, un an plus tard: un funeste ascendant l'a entraîné, «sans se trouver capable de la moindre résistance et sans ressentir le moindre remords». C'est de retour d'un exercice public dans l'Ecole de théologie, donc en Sorbonne que nous retrouvons notre futur ecclésiastique.

Lecture

I) cet épisode est le pivot central du roman car il concentre tous ses thèmes:

a) les deux personnages centraux:

* les qualités intellectuelles et morales réelles du jeune homme, bien marquées par la structure binaire en parallèle: «couvert de gloire et chargé de compliment»: on ne peut mieux dire, le succès emporté lors de l'exercice est total. Des Grieux est fasciné par Manon: «charmes, enchantement»; il ne peut échapper à la fascination que Manon exerce sur lui, ce que corrobore l'anaphore des 3 «si». Manon lui reste opaque: «interdit», et il lui est soumis: «j'attendais»... Et il suffit d'une longue phrase de Manon pour le retourner: «le désordre de mon âme»: c'est bien son être le plus profond qui, à chaque fois, est touché, si bien qu'il n'a pas le choix... Thème fréquent dans le roman. Sa relation à Manon (et non pas avec!) est marquée par la souffrance: «douloureusement»... Il ne peut être maître de lui-même: sa passion emporte tout: «que je m'efforçai en vain de retenir». Mais il ne va pas jusqu'au bout: il peut, outre sa vie, sacrifier son avenir, en épousant Manon. Comme d'habitude, les relations sensuelles entre les amants, et conformément à la pudeur du temps dans les ouvrages sérieux - car les écrits érotiques du XVIIIè sont d'une précision quasi clinique et très suggestive, sont exprimées de façon très allusives, et d'autant plus touchantes... Le texte se termine par une réflexion du chevalier sur lui-même qui ne se reconnaît que difficilement, ce qui est bien une constante de ce roman...

* l'évocation subjective de Manon, toujours aussi impressive: l'auteur nous invite à une connaissance lyrique - si l'expression n'est pas trop paradoxale - de Manon! Elle n'est jamais décrite, car le chevalier la voit, lui, et n'éprouve pas le besoin de la décrire au marquis de Renoncour qui a eu, lui, le privilège de la remarquer à Pacy, si bien qu'il a au moins un point de départ pour comprendre, saisir son interlocuteur... Ce n'est pas notre cas, mais le «je» de des Grieux devient vite le nôtre, et nous ne pouvons voir Manon qu'avec amour. Elle est telle qu'elle échappe à la description. apparition, aimable, un air... sa figure. Sa main devant ses yeux. Elle s'assit, et le mouvement du corps n'est même pas décrit, pas plus que celui de la robe: on ne peut être plus désincarné, ou plutôt être si vaguement esquissé que Manon incarne le fantasme féminin de tout lecteur... se lever avec transport pour venir m'embrasser n'est pas plus précis. Et c'est là la grande habilité de notre auteur: des Grieux n'éprouve pas - c'est normal! - le besoin dé décrire celle qu'il voit encore, elle reste si proche de lui qu'elle vit sous nos yeux, avec ses larmes...

b) la

...

Télécharger au format  txt (30.8 Kb)   pdf (261.4 Kb)   docx (20.5 Kb)  
Voir 19 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com