L'entretien d'enquête

Fiche de lecture :

L’enquête et ses méthodes : L’entretien

Alain Blanchet et Anne Gotman, Edition Nathan, première édition 1992, réédition Nathan/VUEF 2001, Collection Sociologie 128.

1. Les Auteurs

Alain Blanchet, né en 194, est un professeur de psychologie clinique. Il est directeur de l’école doctorale Cognition, Langage, Interactions et de l’équipe de recherche en psychologie clinique de l’université de Paris-VIII.

Ses travaux portent notamment sur les mécanismes de la communication dans l’entretien clinique et sur l’analyse des discours des patients dépressifs.

Anne Gotman est sociologue. Elle est aussi directrice de recherche au CNRS, rattachée au Centre de recherche sur les liens sociaux (CNRS/Université Paris Descartes).

Du domaine de la sociologie urbaine, de l’habitat et de l’architecture, Anne Gotman est ensuite passée à la sociologie de la famille et du lien social. Puis elle s’est consacrée à l’étude des formes de l’hospitalité, puis à celle de la religion, enfin à la chirurgie esthétique. Elle travaille actuellement sur les personnes sans enfants.

II. L’ouvrage

        Ce livre nous présente la méthodologie de l’entretien en sociologie. L’entretien y est défini comme « une démarche paradoxale qui consiste à provoquer un discours sans énoncer les questions qui président à l’enquête. »^[1] Il est composé de 4 parties : les conditions de validité, la préparation de l’enquête, la réalisation de l’entretien et l’analyse des discours.

A. Les conditions de validité

        L’entretien constitue un fait de parole dans lequel une personne extrait une information d’une autre personne. Il est conçu pour apporter une information biographique au profit d’une recherche. L’entretien de recherche est en opposition au questionnaire car il ne se compose pas de questions pré rédigées. En effet, c’est un outil qui introduit la flexibilité dans le sens où il laisse le choix de dériver vers les fantasmes, la colère, les souvenirs…

Il ne suit pas un protocole fixé en amont et n’a pas de méthodologie précise. Chaque entretien est de ce fait dit  « singulier » et adapté à chaque situation.

                L’entretien est l’interaction entre l’interviewer et l’interviewé qui va décider du déroulement de l’entretien. On parle alors de « démarche participative ».

                A la différence du questionnaire, l’écoute de l’autre est venue s’ajouter à la pure interrogation.

                L’entretien vient donner une place primordiale au point de vue de l’auteur, à son expérience et à sa rationalité.

                L’entretien est un outil d’investigation spécifique dont la parole est le principal vecteur. Il met en évidence des faits particuliers qui concernent les systèmes de représentations (pensées construites) et les pratiques sociales (faits expériencés). Lorsque l’acteur parle, il ne livre pas un discours déjà organisé en amont. En effet, il le construit au fur et à mesure de l’interaction. Il s’agit de l’objectivation de la parole.

                Cette façon de procéder s’écarte totalement de la méthode sociologique de Durkheim. Selon lui, la quête de répercussions individuelles liées aux faits sociaux appartient plutôt au domaine de la psychologie. Dans son ouvrage dédié à cette méthode, il définit les règles méthodologiques à suivre pour une étude sociologique.

Il prend l’exemple du suicide : interroger des « suicidographes » pour étudier ce phénomène est « aussi douteux que faiblement instructifs ». Selon Durkheim, leurs réponses ne reflètent que leurs propres opinions liés à un chagrin de famille, des souffrances physiques et mentales, un amour contrarié etc… et ne sont que les causes apparentes du phénomène ainsi que les répercussions individuelles d’un état général s’éloignant des véritables causes.

                Cependant, l’enquête par entretien s’inscrit dans la sociologie compréhensive de Weber. Selon lui, l’exploration du vécu dans le recueil du discours éclaire sur les pensées des acteurs concernant leurs comportements sociaux et leurs états mentaux. L’explication Weberienne est donc essentiellement la mise en évidence de la rationalité des comportements et non de leur trame psychique.

                L’enquête par entretien s’applique dans de multiples domaines. Aujourd’hui, elle est utilisée dans pratiquement tous les domaines de la sociologie.

L’auteur différencie trois axes d’enquêtes :

-Les enquêtes sur les représentations qui ont pour objectif d’analyser la maladie.

-Les enquêtes sur les représentations et les pratiques concernant la sociologie urbaine dans un contexte de développement de l’urbanisme

-Les enquêtes sur les pratiques qui concernent les modes de vie et les aspects matériels de la culture d’un groupe social.

 B.  La préparation de l'enquête :        

La construction de l'objet (pour rappel):    

-Formulation de la question (rupture avec les prénotions), avec trois exigences: clarté, faisabilité, pertinence.  

-Choix de la problématique.    

-Formulation d'hypothèses.

    a) Le dessein de l'enquête :

    C'est ici que l'on décide, avec l'aide des hypothèses formulées, quel type d'enquête utiliser; seront examinés:    

-la légitimité de l'enquête par entretien (au lieu du questionnaire).    

-son usage: exploratoire, principal ou complémentaire.    

-les trois opération de préparation de l'enquête : population et échantillon, choix du mode d'accès aux interviewés, élaboration du plan d'entretien.

     b) L'enquête par entretien :

   En sciences humaines, pour récolter des données, il existe quatre types de méthode: la recherche documentaire, l'observation, le questionnaire et l'entretien; seuls les deux derniers produisent des données verbales.

        Le choix entre l'un ou l'autre dépendra de ce que l'on recherche:  

-Le questionnaire induit une réponse, on connaît le monde de référence, il nécessite lors de sa construction de faire des choix discriminants et ses données peuvent se classer.  

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