Biographie de Damouré Zika

Damouré Zika, un jeune passionné de 84 ans

Mercredi, 08 Avril 2009 07:51

Écrit par Seydou Mayaki

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Ayant participé au tournage de quelques 134 films, Damouré Zika a traversé presque tout le 20ème siècle et vogue dans le troisième millénaire, fort d'une sagesse acquise au fil d'une vie passionnante et passionnée. Revendiquant la culture africaine héritée de ses parents, il a été largement influencé par la culture occidentale, grâce à sa longue relation avec l'ingénieur et cinéaste français Jean Rouch. Plus actif que jamais malgré ses 84 ans, le comédien qui soigne avec les plantes, poursuit son combat pour la reconnaissance de la médecine traditionnelle.

damoureQuand Damouré Zika parle de son passé, il devient vite intarissable. Au soir de sa vie, ce fils de pêcheur, né en 1924 dans l'ancien quartier Gawèye - où s'élève actuellement le Palais des congrès, aime à raconter les péripéties de son enfance et de sa jeunesse, inséparables de l'histoire du Niger. Interviewé dans sa concession du quartier Lamordé, où il reçoit chaque jour des patients déçus par la médecine moderne et qu'il soigne avec des plantes, il répond aux questions d'une voix ferme, l'esprit clair. "A l'époque, les gens venaient se soigner chez mon père qui détenait le secret des plantes, explique-t-il. Quand un malade arrivait, il me disait d'aller chercher telle ou telle plante. Si je ne connaissais pas la plante, il me prenait par le bras et m'amenait dans la forêt alors toute proche et me les montrait, ainsi que les rites qu'il fallait respecter avant de les cueillir''.

Un midi de 1931, alors que le garçon partage la traditionnelle boule de mil (foura ou doonou) avec son père, le chef du quartier surgit soudain et le prend par son bras pour le conduire à l'école. "C'était l'époque coloniale, les gens n'aimaient pas l'école, ni le service militaire. On prenait de force les fils des pauvres pour les envoyer à l'école des Blancs''. Le 1er septembre 1931, Damouré fut donc conduit au Cercle - le centre du pouvoir colonial de l'époque - avec 41 autres enfants. Quatre jours plus tard, sur les 42 inscrits contre leur gré, ils ne sont plus que deux. "Les parents ont payé pour affranchir leurs enfants, raconte le comédien en souriant. Les gens disaient que les Blancs tuaient les enfants et qu'il fallait donner de l'argent, des bœufs, des moutons ou des chèvres aux gardes sénégalais pour faire fuir les enfants.''

Trop pauvre et très fier, le père de Damouré n'a pas les moyens pour libérer son fils des griffes des Blancs et refuse toute assistance des voisins. " Il m'a même dit, Damouré si tu meurs, il n'y a pas de problème ", se souvient ce dernier, baissant la tête, un peu triste. Le jeune fils de pêcheur passera quatre ans à l'école du Cercle, éduqué par les tirailleurs sénégalais chargés de surveiller les deux petits ''attrapés'', comme on disait alors. Les résultats sont très mitigés. Les quelques mots de français glanés ça et là auprès des Sénégalais s'apparentent plus à du petit nègre qu'à la langue de Molière. "Ils ne parlaient pas bien le français, leur langage se limitait à moi y a dit, toi y a dit, mon femme amène de l'eau, etc. ".

À 10 ans, Damouré est renvoyé dans sa famille, où il redevient pêcheur. Mais son rendez-vous manqué avec la culture occidentale sera de courte durée. '' Un jour au bord du fleuve, j'aperçois un jeune homme blanc avec son vélo. Il cherchait un endroit pour se baigner mais tout au long du fleuve, il y avait des arbres et des herbes hautes. Je lui ai fait signe pour l'inviter à venir se baigner à l'endroit que j'avais aménagé pour ma pêche''. Bien lui en prit. Ce jeune blanc était Jean Rouch, ingénieur des travaux publics nouvellement affecté au Niger. Voyant que le jeune pêcheur était dégourdi, il lui apprit à lire et à écrire avant de l'engager comme pointeur sur les trois chantiers qu'il supervisait. '' C'était l'époque de la main-d'œuvre forcée, je m'occupais du contrôle des présences, j'inscrivais les absents et identifiais les malades'', explique-t-il, encore impressionné par son salaire mensuel de 200 Francs, une fortune à l'époque !

Un jour de 1942, Jean Rouch apprend qu'il est affecté à Dakar et demande à son ami le docteur Jacques Pinson de le prendre auprès de lui comme infirmier. Ce fut le début de la carrière de Damouré dans la médecine moderne. ''J'ai été engagé comme bénévole pour six mois à l'infirmerie, se rappelle-t-il. J'ai quitté ma famille à Gawèye pour m'installer dans le centre médical où, même sans solde, je ne manquais de rien. Au 4ème mois de mon bénévolat, j'ai demandé au docteur de me laisser assurer seul la garde de nuit. Je me souviens encore de sa réaction, il m'a traité de " gonflé qui se prend pour un docteur "devant les infirmiers, qui ont néanmoins fini par le convaincre d'accepter."

L'année suivante, Damouré est engagé en qualité d'infirmier et affecté à Kantchiari sur la route de Fada-N'Gourma, qui faisait partie à l'époque du Niger. En 1944, le docteur Pinson l'envoie en stage de formation pour trois mois et Damouré sort premier de sa promotion. "Les infirmiers qui nous ont évalué à la fin du stage me connaissaient tous, c'est à leurs côtés que j'avais tout appris ce que je savais. Il n'y avait pas de raison que je ne finisse pas le premier'', explique-t-il, un brin malicieux, en montrant les neuf médailles - quatre décernées pour son travail en santé publique et cinq autres pour services rendus à la Nation - alors que, plus vieux, il avait intégré la Fonction publique. " Qui d'après vous est le fonctionnaire nigérien ayant amassé le plus grand nombre de ces distinctions ?", clame-t-il.

En 1946, Jean Rouch revient au Niger, cette fois avec une caméra. Les retrouvailles entre les deux hommes marquent le début de leur aventure cinématographique commune. '' C'est le début de ma carrière d'acteur, même si je gardais ma blouse blanche d'infirmier. J'étais devant la caméra et Jean Rouch derrière elle. '' Du Niger

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