LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Paul willis l'école des ouvriers

Fiche : Paul willis l'école des ouvriers. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  24 Novembre 2018  •  Fiche  •  2 554 Mots (11 Pages)  •  646 Vues

Page 1 sur 11

Paul Willis, l’école des ouvriers

Paul willis : Paul Willis est un sociologue et ethnographe britannique, professeur au sein du département de sociologie de l'université de Princeton.

Analyse de texte :

L’enquête de Paul Willis est une contribution originale à la thématique « résistance / reproduction » de l’ordre social. Elle met en évidence le paradoxe de la contribution d’une forme de résistance à la reproduction. Résistance à l’ordre scolaire, la « culture anti-école » est aussi un processus actif d’« auto-damnation » et contribue ainsi à la reproduction de l’ordre social. Elle montre, à l’inverse, que la docilité des « fayots » peut être au principe de la révolte : leur intériorisation de « l’idéologie méritocratique », rendant manifestes et, de ce fait, intolérables « les injustices », peut en faire des travailleurs rebelles.

 La « culture anti-école »

 La « culture anti-école » décrite par Paul Willis apparaît d’abord comme un produit de l’habitus populaire masculin « importé dans le système scolaire ». Si l’attitude héritée à l’égard de l’école varie du « conformisme » des « parents respectables » à l’« hostilité » déclarée à l’école, en passant par l’« indifférence », l’ambivalence semble la règle (mon père, « il veut pas que je sois insolent avec les profs, mais y voudrait pas que je sois un branleur, assis là-bas à étudier, vous savez… », et la « nécessité d’affronter un monde masculin et ouvrier fait d’indépendance, de corporalité et d’intimidation symbolique » impose de « ne pas se laisser faire ».

L’intériorisation de la « culture anti-école », de « l’habitus de bande » passe par l’affiliation à la « bande », « unité de base » de la « culture anti-école ». L’habitus de bande est diamétralement opposé à l’habitus scolaire : « c’est pas les profs qui vous façonnent,  c’est les putains de gamins avec qui on est », explique Joey . La « culture anti-école »  est une « culture anti-autoritaire », faite de « ressentiment buté », d’« insubordination sans but ». Imposant de « ne pas se laisser marcher sur les pieds », elle est au principe de l’inversion des valeurs défendues par l’autorité. « Glander », « sécher », c’est ainsi « imposer son propre emploi du temps » et « se réapproprier le temps ». « Les enfants d’ouvriers, écrit Paul Willis, sont dans un monde du « présent immédiat » et du « ici et maintenant » dans lequel « on pense peu à l’avenir et on ne s’en inquiète pas » . L’« attitude dépréciative et sarcastique de certains enseignants » est perçue comme une « insulte de classe » : elle est au principe de la « vengeance »et d’une sorte de « guérilla permanente », mais aussi de «diversions et d’amusement». Elle implique également l’opposition aux «conformistes», la disqualification des «fayots» qui «ont abandonné leur droit à rigoler»: « être un fayot aujourd’hui et obtenir des diplômes à la valeur douteuse pourrait signifier refermer à jamais les capacités qu’offrent et génèrent des gratifications immédiates de toutes sortes à tout moment». Dans la même perspective, le travail intellectuel, «travail de gratte-papier», est perçu comme un «travail de chochotte»: d’où l’équation «fayots» = «tapettes», «tantes», «branleurs». Et cette «résistance au travail intellectuel» implique «un penchant pour le travail manuel».

Parce que « la vraie vie est ailleurs » (qu’à l’école), la « culture anti-école » est aussi faite de la quête d’expériences sexuelles (« sortir avec des filles », « aller en boîte » dans une « ambiance de danger et de compétition ». Elle implique des stratégies de séduction : les « vêtements à la mode » et la musique correspondante (qu’édicte la « culture jeune »), pratiques adultes et attributs virils, dont l’enjeu est la « reconnaissance » sur la scène du pub. Contre l’ennui et face aux épreuves, les gars font l’apprentissage de la « rigolade » et des « mises en boîte ». La « bagarre » occupe une place centrale dans la « culture anti-école » : « bourrades » et « bagarres feintes » entre soi, intimidation et agressions physiques des « fayots » (la violence – affirmation du capital agonistique confronté au capital culturel – est au principe de l’ascendant des « gars » sur les « conformistes », « presque de la même façon que le savoir l’est pour les enseignants »). « C’est en fin de compte la capacité à se battre qui finit par instaurer l’ordre hiérarchique », conclut Paul Willis: elle est au principe du « style viril » (celui des « durs »), du « prestige » et de la « réputation » . Le manque d’argent impose la nécessité de « trouver un boulot » ou « pousse au vol » . Entre « nécessité » et « défi »,  « un vol réussi défie et vainc l’autorité » : « l’excitation est tout autant due à la perspective de l’argent à ramasser qu’à la sensation de défi à l’autorité et de brio liée au fait de prendre des risques bien calculés »,).

L’intériorisation de la « culture anti-école » va de pair avec l’affirmation de sa supériorité par rapport à la « culture conformiste » (« il a jamais été avec une femme, il est jamais allé boire », « je l’ai jamais vu se battre », ). Son « naturalisme omniprésent »  sous-tend l’« inversion de la domination ». Les « gars » se sentent ainsi dominants par rapport aux filles, perçues à la fois comme « objets sexuels » et « réconfort domestique »: à la « fille facile » (« paillasson ») s’oppose la « petite amie » dont la mère est le modèle. « Sortir ensemble est [en effet] une affaire sérieuse »  : « on demande aux filles d’être sexy et aguichantes tout autant que pures et monogames : à même d’être consommées et non ayant été consommées » . Les filles de la classe ouvrière sont ainsi confrontées à l’injonction d’« être sexuellement désirables »  sans « être sexuellement expérimentées » . De même, « le travail manuel est associé à la supériorité sociale de la masculinité et le travail intellectuel à l’infériorité sociale de la féminité. Plus précisément, le travail manuel est imprégné d’un ton viril et d’une nature virile qui le rendent bien plus positif que la référence aux tâches accomplies au travail » . Le même « naturalisme » prévaut à l’égard des minorités : les groupes ethniques sont séparés dès la classe de 3ème par une « ligne de démarcation » et « avoir une couleur de peau différente suffit à justifier une attaque ou une intimidation » . La division raciale « fournit un support idéologique à des sentiments de supériorité du moi et de dénigrement des autres » . De ce point de vue, le travail le plus dur « peut être dévalorisé et étiqueté comme sale et inacceptable parce qu’il est associé aux travailleurs immigrés » .

...

Télécharger au format  txt (15.1 Kb)   pdf (87.4 Kb)   docx (16 Kb)  
Voir 10 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com