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La crise du 16 mai 1877

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Par   •  30 Novembre 2017  •  Dissertation  •  2 332 Mots (10 Pages)  •  3 207 Vues

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La crise du 16 mai 1877

« Se soumettre ou se démettre ». Cette phrase, prononcée par Léon Gambetta le 15 août 1877, résume parfaitement la situation dans laquelle se trouve le président de la République Patrice de Mac Mahon suite à la crise du 16 mai 1877.

La toute jeune IIIe République, structurellement mise en place par les lois constitutionnelles de 1875 –celles-ci instaurant par la même occasion le bicaméralisme en France avec la création du Sénat, fait suite à la cuisante défaite de la France de Louis-Napoléon Bonaparte en 1870 face à la Prusse, défaite qui lui a valu la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine et qui a traumatisé la population française, soulignant le besoin urgent de réformes.

Si Adolphe Thiers est nommé « chef du pouvoir exécutif de la République française » par une Assemblée nationale acquise à la cause des monarchistes en février 1871, celui-ci est remplacé dès 1873 par le maréchal de Mac Mahon qui avait l’avantage de ne pas partager les convictions républicaines de son prédécesseur. Mac Mahon n’aspirait en réalité qu’à une seule chose : le rétablissement de la monarchie en France, mission pour laquelle il a été nommé suite à la mort de Louis-Napoléon en janvier 1873, décès qui a poussé les bonapartistes à s’allier aux royalistes qui espéraient préserver les chances du prince impérial en faisant cela. Est nommé le duc Albert de Broglie, qui est l’un des principaux penseurs de la Constitution de 1875, à la tête du gouvernement, ce dernier s’empressant de faire voter le 20 novembre une loi prolongeant le mandat à sept ans, allongeant ainsi la présidence de Mac Mahon et repoussant ainsi les élections, l’idée étant d’attendre la mort du comte de Chambord et avec lui celle du conflit entre orléanistes et légitimistes.

Les cartes sont redistribuées pendant les élections législatives de 1876, élections qui voient les républicains s’emparer de la majorité des sièges avec 393 sièges sur 533. Jules Simon, qui se veut à la fois républicain et conservateur, est nommé au poste de président du Conseil. Bien qu’il forme un gouvernement plus à gauche que le précédent, il est encore trop à droite pour les républicains de Léon Gambetta qui s’opposent à de nombreuses mesures proposées par le gouvernement, notamment au sujet de la liberté de la presse et de la restauration du pouvoir temporel du pape, sans trouver de réelle réponse de la part de Jules Simon.

Ce dernier se voit reprocher son « manque de fermeté » dans une lettre de Mac Mahon datée du 16 mai 1877, fait qui entraîne sa démission. La nomination d’Albert de Broglie le jour même au poste de président du Conseil provoque l’ire de la classe républicaine et est responsable de la crise de 1877. En effet, les républicains refusent d’accorder leur confiance au gouvernement de droite formé par de Broglie et signent « le manifeste des 363 » rédigé par Eugène Spuller, un proche de Gambetta.

La Chambre des Députés est alors dissoute par le président après que celui-ci ait consulté le Sénat qui l’y a autorisé le 22 juin 1877. Gambetta, qui promet de revenir avec plus de 400 sièges, en obtient finalement 323 mais cela constitue tout de même une victoire significative, celle des républicains sur les monarchistes, victoire qui poussera Mac Mahon à la démission en 1879 après que les républicains aient obtenu la majorité au Sénat.

Il serait logique, au vu de la situation étudiée, de s’interroger sur les conséquences de l’opposition entre républicains et monarchistes, opposition qui a atteint son paroxysme lors de la crise du 16 mai 1877, sur l’avenir de la IIIe République.

Le bras de fer entre Mac Mahon et les républicains de Gambetta a tout d’un conflit de légitimité et d’idéologie (I) ; ses retombées sont quant à elles majeures (II).

  1. La crise du 16 mai 1877 : aboutissement d’une lutte des systèmes

La crise de 1877 prend forme dès 1871 et la fin de l’Empire. Elle oppose deux idéologies différentes : la monarchie de Mac Mahon et la république de Gambetta

  1. Un désaccord idéologique remontant à la création de la IIIe République

  • Deux visions de l’avenir de la France : une république renforcée pour les républicains menés par Gambetta et une monarchie rétablie pour les royalistes dont Mac Mahon fait partie. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que Mac Mahon est issu d’une famille dont les liens de parenté avec l’ancienne famille royale d’Irlande ont été reconnus par une lettre patente de Louis XV. Celui-ci est donc particulièrement attaché au régime royal, mais aussi aux valeurs chrétiennes ce qui fera de lui le président de l’ordre moral. Son élection au poste de président en 1873 par l’Assemblée de 1871 n’est en réalité justifiée que par l’attente de la mort du dernier des Bourbons, le compte de Chambord, par les orléanistes dont il fait partie, les royalistes comme les républicains estimant dès lors que la république est « le régime qui [les] divise le moins ».
  • La IIIe République accorde au président des pouvoirs importants selon l’interprétation qu’en fait Mac Mahon : initiative, promulgation et exécution des lois, droit de faire grâce, commandement des forces armées, nominations aux postes civils et militaires, présidence des solennités nationales, accréditation des émissaires et ambassadeurs étrangers, droit de dissolution de la Chambre des députés après consultation du Sénat, clôture des sessions parlementaires et ajournement de celles-ci pendant un mois, droit de message et négociation et ratification des traités. Cela a été en grande partie pensé par les monarchistes qui préparaient déjà en 1875 le retour du Roi (ou de l’Empereur pour les bonapartistes).
  • Le gouvernement est responsable devant la Chambre mais aussi devant le président (selon Mac Mahon). Il est ainsi tiraillé entre deux forces opposées dès lors que le président perd sa majorité parlementaire, chose qui survient en 1876 avec la montée en régime des républicains. La règle du contreseing ministériel, qui figure dans l’article 3 de la loi constitutionnelle des 25-28 février 1875, deviendra alors une contrainte majeure pour Mac Mahon qui devra composer avec un gouvernement qui peut lui être hostile et qui sera, dans le cas du gouvernement Simon, « trop mou » face aux déclarations de Gambetta, notamment face à la célèbre interjection « le cléricalisme, voilà l’ennemi » prononcée le 4 mai 1877, en ne s’opposant pas au vote d’un ordre du jour condamnant « l’agitation antirépublicaine » des catholiques et à une abrogation de la « correctionnalisation des délits de presse »  prévue par une loi de 29 décembre 1875.
  1. La démission de Jules Simon, nécessité politique pour Mac Mahon, « coup d’État » pour Gambetta
  • Suite à la lettre de désaveu de Jules Simon par Mac Mahon, écrite le 16 mai 1877, le président du Conseil démissionne. Cela est vu par Mac Mahon comme un acte logique qui permettra aux institutions, notamment au Président de la République –lui-même, de continuer à fonctionner sans risquer de se retrouver dans une situation de « blocage ». C’est ainsi que Mac Mahon nomme de Broglie, qui n’est pas issu de la majorité parlementaire républicaine à la Chambre, au poste de chef du gouvernement. Pour lui, cela lui évitait d’être trop limité par la règle du contreseing ministériel, ce qui justifiait son choix.  La réaction de la Chambre ne se fait pas attendre, celle-ci n’accordant pas sa confiance au nouveau gouvernement en votant une motion de défiance faisant suite au « manifeste des 363 ».
  • Pour Gambetta, la nomination de de Broglie après le départ de Jules Simon, bien que celui-ci a toujours été trop au centre selon lui, est un « coup d’État » de la part des présidents. Il ne faut pas oublier que Simon n’a toujours été vu que comme une solution temporaire, un compromis en attendant de voir lequel des deux camps l’emportera. Le gouvernement, responsable devant la Chambre, aurait plus de légitimité selon les républicains face à un président irresponsable politiquement. Le bras de fer entre Mac Mahon et Gambetta mène à la dissolution parlementaire approuvée, comme l’autorise la Constitution, par le Sénat acquis aux monarchistes, le Président s’en remettant au peuple pour se voir conforter dans ses choix, tout comme Gambetta.

Il s’agit donc là d’une véritable lutte entre la Présidence et le Parlement, entre monarchistes et républicains. L’équilibre précaire entre les institutions de la IIIe République menace de s’effondrer, reste à savoir en la faveur de quel camp.

Ce sont finalement les républicains qui l’emportent les 14 et 28 octobre 1877 : la « dictature parlementaire » dont parlera le Général de Gaulle moins d’un siècle plus tard est née. Mac Mahon devait « se soumettre ou se démettre », démission qu’il finira par déposer en janvier 1879.

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