Bergson, La création de soi par soi

Comme le disait Albert Camus : “Le sens de la vie est la plus pressante des questions”. En effet, nous cherchons toutes et tous à savoir quelle est le sens de notre vie, sans forcément trouver de réponses à nos interrogations. Or, en cherchant le sens de la vie nous avons tendance à chercher, à tort, une signification, une explication à la vie. Mais si le sens de notre vie était en réalité sous nos yeux et qu’il nous renseignait sur la direction de vie que nous devons suivre plutôt que de chercher une réponse à la question “pourquoi la vie ?” Mais alors, comment savoir quelle direction l’humain doit-il suivre pour se réaliser et trouver sa raison d’être ? Telle est la question que se pose Bergson dans cet extrait de la première partie “La conscience et la vie” de son oeuvre L'Énergie spirituelle qui a pour objet la signification de la vie et la destinée de l’Homme. Il y répond en affirmant que c’est la joie qui nous indique si nous sommes sur la bonne direction et que le but de la vie humaine est la création de soi par soi. Il développe ainsi trois arguments pour appuyer sa thèse. Le premier soutient que le sens de la vie est sous nos yeux et que la nature par la joie nous renseigne dessus. Le second souligne le fait que la joie succède la création et que sans création, il n’y a pas de joie. Enfin, le dernier argument montre que le but de chaque vie humaine est de se réaliser soi même par la création de soi par soi.

Le sens de notre vie est une direction à atteindre et il est renseigné par un signe : la joie.

Le texte commence avec la phrase “Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus même”. Selon Bergson, la question du sens de la vie a été certes posée par de nombreuses personnes avant lui mais les démarches pour tenter d’y répondre étaient fausses. Premièrement, de nombreux philosophes, en recherchant le sens de la vie, ont cherché une “signification” à celle ci, c’est à dire, une explication, un élément de réponse à la vie. De plus, les philosophes ont cherché la “destinée de l’homme”, c’est à dire qu’ils ont cherché à connaître le destin de l’homme comme si l’avenir de chaque humain était prédéfini et que tout était décidé à l’avance. Or, selon Bergson, il ne fallait pas chercher les réponses à notre raison d’être dans “la signification de la vie” et la “destinée de l’homme”. En effet, comment peut-on rechercher une explication à une chose sans savoir ce que l’on cherche précisément ? Le sens de la vie s’explique donc à travers une destination à atteindre et non pas à travers la recherche d’une signification ou d’une explication de la vie.

Pour connaître la destination à atteindre, il faut observer ce que la nature nous montre : “Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie”. La manifestation de la joie est donc une indication qui nous montre que nous suivons le bon chemin. Notre cheminement dans la vie lorsqu’il est ponctué par des joies, nous indique qu’on tend vers la bonne direction. La joie est un sentiment, nous dit-il, à ne pas confondre avec le plaisir. En effet, le plaisir est un “artifice” qui est utile simplement “à la conservation de la vie”. Certes ce sont tous les deux des sentiments marquant la satisfaction, mais la joie est plus intense et plus absolue que le plaisir. Le plaisir n’est que la simple satisfaction d’un besoin ou d’un désir. La joie est un sentiment de bonheur et de plénitude intense. En ce sens, le plaisir est “un artifice”, une lueur, une tromperie car nous pouvons penser que notre vie est réussie car nous ressentons une joie alors qu’en réalité il s’agit d’une fausse joie car nous ressentons un plaisir. Pour pouvoir les différencier, il faut comprendre à quoi ils servent. Le plaisir sert “à la conservation de la vie”, c’est à dire qu’il nous empêche par exemple de mourir de soif ou de faim. Si nous ne ressentons plus de plaisir, nous mourrions de souffrance ou d’ennui et nous n’aurions plus de raison de vivre et d’être. Or, la joie est bien plus que cela selon Bergson : la joie “annonce que la vie est réussie, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire”. La joie indique donc la réussite, la victoire de la vie : elle renseigne sur le fait que nous avons atteint la destination souhaitée. Bergson ajoute que “toute grande joie a un accent triomphal”. La joie est donc le signe que nous nous sommes affirmés, que nous avons fait un effort afin que la vie puisse surpasser tout le reste. Quand la vie “triomphe”, elle excelle, elle est supérieure à tout (même à la mort).

Le sens de notre vie est donc renseigné par la joie. C’est cette joie qui nous indique si nous sommes dans la bonne direction afin d’avoir une vie réussie, une vie qui “triomphe”.

Ensuite, la joie succède la création : sans création il n’y a pas de joie.

Selon Bergson, “partout où il y a joie, il y a création”. A travers le mot “création” il y a l’idée de réaliser quelque chose qui n’existe pas encore. La création va précéder la joie. Il ajoute, que “plus riche est la création, plus profonde est la joie” : plus la création est importante, plus la joie va être intense. Il dit également dans l’exemple de “la mère qui regarde son enfant est joyeuse”, qu’elle est heureuse du fait d’avoir “créé” d’elle même son enfant. Ainsi, la joie est dûe à la satisfaction d’avoir fait quelque chose de nous même. Il en découle

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