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Pour comprendre autrui, faut-il le connaitre ?

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Par   •  21 Avril 2018  •  Dissertation  •  2 341 Mots (10 Pages)  •  1 512 Vues

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En tant qu'êtres humains, la relation à nos semblables est inévitable. Il nous faut, chaque jour, parler et discuter, débattre et refuser à autrui. Ainsi, cela relève de la survie que de tenter de le percer à jour, d'en saisir le sens le plus profond. Comment faire, cependant, quand tout ce que nous pouvons voir peut être un leurre de nos sens, de nos préjugés et idées préconçues ? Nous faut-il connaître autrui, supposant donc une certaine objectivité, une distance avec celui-ci ? Ou l'appréhension de sa nature profonde se ferait-elle au moyen de la compréhension, donc une forme d'empathie, éliminant toute distance avec lui ? Le paradoxe reste entier : comprendre autrui sans le connaître nous laisse vulnérable, le connaître sans le comprendre élimine peut-être une part primordiale de cette relation - les sentiments. Si l'un semble possible sans l'autre, peut-être que pour comprendre autrui, il nous faut le connaître. Il nous faut donc déterminer si, pour pleinement comprendre l'autre, de façon sensible, sentimentale et intuitive, instaurant ainsi une relation de confiance et de sociabilité, il nous est nécessaire de passer d'abord par une analyse froide et logique de cet « autre moi ».

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Il est évident qu'une forme d'empathie pour quelqu'un qui nous est pleinement inconnu peut apparaître comme diminuée comparée à l'amour que l'on porte à sa famille. Vu et revu de nombreuses fois dans les films, livres et séries, le dilemme moral de l'Homme, cherchant à sauver son enfant, qui sacrifiera les autres, est imparable : nous aurons toujours tendance à comprendre mieux les actes de nos parents que ceux d'un inconnu. La connaissance complète d'autrui, ses tics et expressions, ses idées et sentiments, devient alors un autre moyen de construire un lien avec celui-ci. Il n'est question, par conséquent, de se distancier de l'autre qu'un instant, de le connaître que pour le comprendre.

Reste encore le cas de l'expérience. Lorsque nous avons « connu » la même douleur que quelqu'un qui la ressent en ce moment, il nous est plus facile de le comprendre. Si je me suis brisé la jambe, que je vois des années plus tard un accident similaire, je connaîtrais la douleur de l'autre, et en ce sens-la, je le comprendrais pleinement. Mais sans cette expérience, ou prenant une forme différente, qu'advient-il ?

Prenez par exemple les personnes travaillant sur les lignes type « S.O.S. Suicide ». Leur travail consiste à discuter avec une personne en détresse, lui remontant le moral. En amont, ils ont bien sûr eu une formation, appris des techniques pour aider les « suicidaires ». En ce sens là, ils « connaissent » autrui, sont déjà passés par cette analyse tempérée de l'autre et de ses problèmes. Une fois la discussion ouverte, ils apprennent à comprendre autrui, tout en restant à distance de lui, pour l'analyser et connaître le cas spécifique auquel ils font face. Ce n'est que de cette façon qu'ils aideront quelqu'un : en appliquant des techniques froides, calculées et réfléchies, à une situation donnée. Cette connaissance leur permet d'afficher une forme de compréhension, d'empathie nécessaire à leur travail. Cependant, une compréhension complète, incontrôlée, d'autrui, surtout dans ces cas de crises et de souffrances extrêmes, peut leur être dangereuse : sans barrière, sans limite, sans règles ou « formules miracles » apprises précédemment, connues donc, ils se laisseraient noyer dans les émotions des autres, devenant eux mêmes dépressives.

C'est pourquoi Thoreau dira dans son Walden ou la vie dans les bois : « Sommes-nous simplement loquaces et bruyant parleurs, qu'alors nous pouvons supporter de nous tenir tout près l'un de l'autre, côte à côte, et de sentir notre souffle réciproque ! Mais le parler est-il réservé, réfléchi, qu'il demande plus de distance entre les interlocuteurs, afin que toutes chaleur et moiteur animale aient chance de s'évaporer ». Selon lui, la bonne relation suppose une certaine distance, une connaissance forte d'autrui donc, une capacité à l'analyser, lui et la situation. Il nous faut sortir de nous-mêmes, de notre discussion. Cela nous permettrait de le comprendre et d'être pleinement compris. Le sens de l'autre, de ce que nous sommes, exige cet écart.

Mais cette connaissance ne pose-t-elle aucun problème, d'ordre éthique par exemple ? Quand Thoreau nous dit que la distance permet une bonne relation, il oublie que certains ne peuvent faire la part des choses : jusqu'à quel point comprendre l'autre ? Doit-on le décortiquer jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien, plus rien d'intéressant ou du moins, ce qui le fait « autrui » ? Cette relation n'est-elle, justement, bien que du fait que l'autre reste mystérieux, garde une part incompréhensible pour nous ? Si notre relation à l'autre exige une certaine distance, une connaissance empirique de celui-ci, il n'est pas vrai dans tous les cas que pour comprendre, il me faut connaître.

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Si l'autre reste un être compréhensible, avec lequel nous pouvons entrer dans une relation d'empathie, de sensibilité, et qu'il nous faut le connaître, nous distancier de lui, alors comment se fait-il que le connaître ne soit pas si nécessaire, que comprendre peut parfois suffire à construire la sociabilité ?

M. Merleau-Ponty dans Le Visible et l'invisible nous dit : « Où est autrui dans ce corps que je vois ? Il est (comme le sens de la phrase) immanent à ce corps et pourtant, plus que la somme des signes ou des significations véhiculées par elle. » Donc le véritable sens d'autrui est insaisissable puisqu'il n'est pas strictement lui : il lui est transcendant. Si ce même sens est transcendant, tenter de le rechercher par une analyse complète, froide et méthodique de son corps, rend la réponse obtenue incomplète et erronée. La question « Pour comprendre autrui, faut-il le connaître ? » s'effondre d'elle même : c'est l'inverse qu'il faudrait déclarer. Peut-être nous faut-il plutôt le comprendre, et cette même appréhension spontanée, intuitive et sensible de sa nature profonde nous fournirait les réponses recherchées. La connaissance se situerait dans les sentiments, dans la subjectivité. Cette aspect volatile, presque divin et supérieur

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