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Faut-il limiter davantage la détention provisoire?

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Par   •  3 Février 2019  •  Dissertation  •  4 480 Mots (18 Pages)  •  670 Vues

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Dissertation – Faut-il limiter davantage la détention provisoire ?

  1. « Il faut limiter la détention provisoire, les présumés innocents doivent rester en liberté. ». Voici les mots prononcés par l'avocat Hervé Temime, lors d’une interview avec le journal Libération. Hervé Temime, président de l'Adap, Association des avocats pénalistes, s'exprime ici au nom de son association sur la présomption d'innocence et sur la réforme de la détention provisoire. En effet, la détention provisoire a fait l’objet de nombreuses critiques ces dernières années sur l'opportunité d'une possible réforme de la détention provisoire, justifié par l’atteinte faite à la présomption d’innocence.
  2. Cette montée d’opinions divergentes concernant cette technique judicaire nous amène à nous questionner sur le rôle de la détention provisoire en droit judicaire français, et à terme à se demander s’il ne faudrait pas penser à la limiter davantage.

Or avant toute chose, nous devons nous pencher de plus près sur ce qu’est exactement la détention provisoire. A cet effet, nous pouvons définir la détention provisoire comme la privation de liberté prononcée à titre exceptionnel contre une personne mise en examen dès la phase d’instruction. Il s’agit d’une mesure grave, qui consiste à incarcérer une personne encore présumée innocente. C’est la raison pour laquelle elle est entourée de diverses garanties et conditions strictes. En effet, celle-ci porte atteinte à la liberté d’aller et venir de l’intéressé. Cette mesure pourrait s’analyser comme une présomption de culpabilité puisqu’elle intervient en amont du jugement. Diverses définitions de la détention provisoire sont énoncées par la doctrine. Jean PRADEL écrit que « la détention provisoire est l'incarcération d'un inculpé en maison d'arrêt pendant tout ou partie de l'instruction préparatoire jusqu'au jugement définitif sur le fond de l'affaire. » Nous constations donc que la détention provisoire dépasse le cadre de l'instruction préparatoire même si les principales difficultés se rencontrent en son sein. La détention provisoire s'étend en effet jusqu'à la condamnation définitive. Ainsi, le code de procédure pénale est venu à l’article 137 et suivant la réglementer. La détention provisoire est la mesure de contrainte la plus grave, elle a pour effet de placer la personne mise en examen sous mandat de dépôt ce qui entraine alors son incarcération en maison d'arrêt. Le législateur s'est efforcé d'encadrer le plus possible cette mesure mais il n'a jamais complètement assumé un encadrement strict, laissant entendre une certaine hypocrisie du législateur, puisque les délais sont réduits, mais assortis de nombreuses exceptions. Cette détention provisoire se retrouve donc encadrée par diverses conditions, mais faut-elle la limiter dans son utilisation ? Le verbe limiter renvoie à l’idée de poser des limites, de restreindre quelque chose. En l’occurrence il s’agirait de se demander s’il serait légitime au regard du principe de présomption d’innocence de la restreindre. L’adverbe « davantage » quant à lui, signifie "plus, en plus grande quantité, à un plus haut degré". Enfin, le verbe faut-il nous invite à nous interroger, à nous demander notre avis quant à la légitimité ou non d’une telle décision.

  1. Si cette question nous semble pertinente, celle-ci semble s’orienter autour de la détention provisoire, et de son régime, et cadre juridique. Ainsi nous laisserons de côté l’étude des deux autres ordonnances pouvant être rendues par le juge d’instruction : que sont l’assignation à résidence et le contrôle judiciaire. Par ailleurs, nous devons nous questionner sur la restriction de la mesure de détention provisoire de nos jours.
  2. En effet, il est important de rappeler que la détention provisoire est une mesure ancienne. Autrefois c’était la Chambre du Conseil, composée de trois juges dont le juge d’instruction, qui était compétente dans le domaine de la détention. C’est suite à la réforme en 1856, que le juge d’instruction devient le seul à décider de cette détention ainsi que de son contentieux.  La détention provisoire s’appelait « préventive » jusqu'en 1970. C’est la loi du 10 juillet 1989 qui redonna le pouvoir au juge d’instruction. Or de nos jours, le système à encore changé, en effet, depuis une loi du 15 juin 2000 entrée en vigueur le 1er janvier 2001 c’est au juge des libertés et de la détention qu’appartient les décisions de placement en détention provisoire. En parallèle, concernant le fond de la détention provisoire, le législateur constatant une population carcérale composée de détenus provisoire trop excessive, et une durée trop longue en moyenne des détentions provisoire, est venu à plusieurs reprises, réformée ce droit de la détention provisoire. La plupart du temps ces réformes ont défini plus limitativement les cas de détention provisoire, pour assurer une application plus stricte de la loi, qui rendrait la détention exceptionnelle. La période marquante se situe entre les lois du 17 juillet 1970 est intervenu pour renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, et la loi du 6 aout 1975, puisque c’est à ce moment qu’elle devient détention provisoire : depuis cette époque il y a une tendance au renforcement du droit de la personne et de sa défense. Cependant, en 2005, dans son rapport annuel, la Commission de suivi de la détention provisoire dénonce l'allongement de la durée moyenne de la détention provisoire ceci venant remettre le débat sur le devant de la scène concernant les droits du détenus provisoire.

         Il convient pour cela de se demander au vu des différentes réformes, du régime actuel de la détention provisoire, ainsi que son utilisation parfois quelque peu « simplifiée », son rôle de nos jours. Ainsi la détention provisoire ne devrait-elle pas être davantage limitée ?

        Cette interrogation n’est pas nouvelle, puisque la détention provisoire à longtemps et est toujours autant critiquée et cela révèle un grand intérêt pratique autour de cette question. En effet, depuis l’affaire d’Outreau ayant amené beaucoup de critiques et de virulence, on lui reproche de porter atteinte au principe de la liberté individuelle qui est posé dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, article 7, parmi les droits fondamentaux. De plus, toute personne n’ayant pas été déclarée coupable demeure innocente, puisqu’elle bénéficie du principe de présomption d’innocence, autre principe énoncé dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dans son article 9. Or la détention provisoire vient remettre en cause ce principe, puisque l’on prive un individu de ces droits de liberté individuelle alors qu’il n’est pas encore jugé coupable. Cette mesure traduit donc l’équilibre fait entre d’une part l’impératif de l’intérêt public et d’autre part la protection de la liberté individuelle. La détention provisoire soulève des interrogations en raison des intérêts qui entrent en jeu. Il y a de ce fait, opposition entre l'intérêt de la société et celui de l'individu. Vu sous l'angle social, la détention provisoire est un instrument répressif par anticipation, ce qui donne à la collectivité, un sentiment de protection et de sécurité. Nonobstant, le problème ne réside pas dans la détention provisoire en tant que tel, mais de son utilisation excessive et de la durée parfois trop longue de son utilisation. En effet, dans son rapport annuel de 2005 la Commission Nationale du suivi de la détention provisoire, montre que la durée de la détention provisoire ne cesse d’augmenter : en cela l’enjeu et l’intérêt est pratique, puisque cette augmentation de l’utilisation de la détention provisoire n’est-elle pas en train de porter atteinte de plus en plus au principe de présomption d’innocence et venir bafouer les droits des détenus ? Ne devons-nous pas leur garantir la liberté étant présumé encore innocent ? En cela ne serait-ce pas légitime de restreindre l’utilisation de cette technique judicaire trop utilisée ? Celle-ci est d’autant plus critiquée, car selon la CEDH, article 5, la durée de la détention provisoire doit être raisonnable. La France a réformé ce droit à plusieurs reprises, or cela s’expliquant simplement par les multiples condamnations de la Cour Européenne des Droits de l’homme envers la France, sur la durée de cette mesure. Or si nous n’envisageons pas de limiter quelque peu son utilisation, n’encourt-on pas le risque de se revoir condamner prochainement par les juges de la CEDH ?

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