LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Zazie Dans Le métro

Recherche de Documents : Zazie Dans Le métro. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  30 Octobre 2013  •  7 601 Mots (31 Pages)  •  1 088 Vues

Page 1 sur 31

Séance 6 : Les personnages du roman

• Objectif : Quelle définition nouvelle Raymond Queneau donne-t-il au personnage de roman ?

• Prérequis des années antérieures : la notion de personnage vue en année de première. Cet extrait des anciens documents d’Accompagnement de 2006 pourrait servir de point de départ, de façon à montrer que l’étude des personnages de Zazie se présente dans une continuité : « la notion de personnage, en tant qu’elle a pu se fonder sur une conception humaniste de la psychologie humaine, a été remise en cause au XXe siècle dans ses fondements mêmes, depuis la naissance de la psychanalyse jusqu’au Nouveau Roman français, en passant par l’éclatement de la conscience perceptive chez des romanciers tels que Proust, Céline ou Gide. […] La subversion des formes romanesques et le jeu sur les conventions accompagnent l’essor même du genre. »

• Démarche adoptée : On part de la lecture analytique d’un passage mettant en évidence le personnage de Pédro-Surplus, sans doute le plus énigmatique : chapitre 5, depuis « Zazie ne dit rien… » (p. 57) jusqu’à « … Méfie-toi, Tonton Gabriel. » (p. 60). On se propose de montrer le statut flottant du personnage, son ambivalence, la place du langage, et la théâtralité. Chez Queneau, le personnage est une pure création artistique. Vous pouvez vous exercer en prenant en charge un autre personnage, à partir d’une méthode de lecture qui vous permet de dépasser l’enjeu psychologique.

• Les enjeux du passage : (les lignes ont été indiquées pour l’analyse)

On peut se poser les questions suivantes pour préparer l’extrait :

1- Relevez dans ce passage les différentes identités et désignations de Pédro-Surplus. Que faut-il en conclure ?

2- Dans quelles circonstances le personnage est-il amené dans ce passage à changer de rôle et d’identité ?

3- Quel portrait nous est fait de lui ? A quelles références (littéraires, éventuellement artistiques) peut-on penser ?

4- Quels sont les liens de ce personnage avec l’univers du théâtre (gestes, paroles) ?

1- Force est de constater que le romancier déstabilise ici la fonction traditionnelle du personnage, à partir de la figure de celui qui était jusque-là désigné par « le satyre », « le type ». D’où vient-il ? Que fait-il ? Quelles sont ses véritables motivations ? Le lecteur en est réduit à reconstruire une histoire personnelle, mais ce faisant n’étreint que du vent. Le personnage en question n’a pas d’identité stable, et se trouve d’ailleurs précédé par ses attributs lorsque Zazie l’a rencontré : « Il se produisit des mots, émis par une voix masculine prenant son fausset » (p. 44). Dans le passage qui nous intéresse ici, personne n’est sûr de pouvoir le reconnaître et ni de l’identifier : tour à tour satyre s’intéressant aux petites filles (l. 8), représentant de la bonne société sanctionnant les enfants voleurs (l. 12), puis flic, marchand forain (l. 92). Il est, en fait, l’objet d’incessantes interrogations de la part de Zazie en même temps que du lecteur, à tel point que se trouvent placées sur un même plan le vrai et le faux, le vrai se donnant l’apparence du faux, ou le faux se donnant l’apparence du vrai : « C’était pas un satyre qui se donnait l’apparence d’un faux flic, mais un vrai flic qui se donnait l’apparence d’un faux satyre qui se donne l’apparence d’un vrai flic. La preuve, c’est qu’il avait oublié son pébroque. » (l. 56-59) Dérisoire notation finale, qui nous ramène à l’enquête policière dont on voit bien l’inanité.

2- Or, cette situation particulièrement instable est jubilatoire, dans la mesure où elle naît du jeu théâtral ou des circonstances. C’est en dialoguant avec « la foule s’amassant » que le personnage se trouve un rôle, et donc une identité (l. 12). Il la complète ensuite, de manière inattendue, en faisant de lui une victime du destin, non sans effet oratoire (« …je suis un enfant de l’Assistance, Madame » l. 45) ce que ne manque pas d’apprécier Zazie en bonne cinéphile (l. 44). Plus loin, c’est l’évocation de la rencontre de Zazie qui semble à l’origine du nom de Pédro-Surplus, alliance baroque d’une origine hispanique et des surplus américains de la Seconde Guerre mondiale. Le personnage, véritable caméléon du récit, né du présent et de l’action verbalisée, n’a donc aucune réalité : il se crée, et nous le créons, au fil des épisodes et des situations où il peut intervenir. Plus tard, sans aucunement convaincre Marceline, il se présentera d’ailleurs comme l’inspecteur Bertin-Poirée, jailli tout droit d’un roman policier, et le pédophile se transformera en violeur potentiel de jolies femmes. Et le lecteur le reconnaîtra encore dans le flicmane Trouscaillon, patronyme dans lequel convergent le verbe trousser (au sens polysémique, carnavalesque et sexuel) et le suffixe qui redouble la diminution et l’allusion à la prostituée du temps de Villon . Le lecteur est donc amené à se demander s’il possède un être profond, ou même le sentiment de son propre être, comme en atteste son dialogue avec Gridoux à la fin du chapitre 7 . Chez lui, il n’y a pas donc de vérité, mais ses apparences sont comparables à celles d’un jeu de cartes. Encore même faut-il préciser que celles-ci sont toutes truquées, sans que l’on puisse savoir au juste quelle est la vraie.

3- Vidé de toute reconnaissance psychologique, encore plus de toute empathie avec le lecteur, Pedro-Surplus en est réduit au jeu de la simulation. Son accoutrement en fait un personnage tout droit sorti d’un roman policier dont il ne reste ici que des lambeaux d’apparence : « Elle voulut faire appel aux sentiments d’humanité qui pouvaient peut-être exister chez ce singulier individu, dont le melon, les noires bacchantes et les verres fumés ne semblaient pas étonner les populations. » (l. 35) Travestissement qui évoque les toiles de Magritte et le policier habillé en bourgeois, il est l’enveloppe vide sur du vent, d’autant plus étrange qu’il ne suscite aucun sujet d’étonnement, comme s’il s’agissait d’un rêve où tous les événements trouveraient leur place, à l’insu de l’observateur central. Mieux : le travestissement est loin de rendre le personnage à l’incognito, ce qui serait pourtant la motivation élémentaire d’un policier voulant se fondre dans le public. Il l’exhibe au contraire aux yeux du public comme le ferait un costume de scène.

...

Télécharger au format  txt (48.5 Kb)   pdf (395 Kb)   docx (30.5 Kb)  
Voir 30 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com