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Explication linéaire Les Fenêtres de Baudelaire

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Par   •  18 Novembre 2018  •  Commentaire de texte  •  3 964 Mots (16 Pages)  •  10 177 Vues

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Explication de texte : « Les Fenêtres » Baudelaire

Intro :

A partir du XIXe siècle, la poésie s'intéresse aux objets. Baudelaire consacre un de ses poème du recueil Le Spleen de Paris, dans la section « Tableau parisien » à un objet architectural familier aux multiples déclinaisons esthétiques ou fonctionnelles : la fenêtre qui joue un rôle essentiel dans la vie quotidienne puisqu’elle est source de luminosité, de visibilité, de communication, en même temps que frontière entre deux espaces mitoyens souvent antithétiques. La fenêtre ouvre sur un espace autre donné à contempler ou à imaginer. Mais ce qu’elle montre n’est pas toujours visible ou ne l’est que partiellement, aussi participe-t-elle d’un double jeu, entre exhibition et dissimulation, propre à servir de tremplin à l’imaginaire. Elle participe alors à la construction d’un espace esthétique, poétique et symbolique et ouvre la voie vers un jeu infini de possibles dialectiques. C’est pourquoi les fenêtres sont très apprécié des peintres comme Vermeer avec « La Liseuse à la fenêtre » ou Rembrandt avec « Fillette à la fenêtre ».

Mais à l’inverse de ces peintres, Baudelaire fait une sorte d'apologue paradoxal dans lequel il montre que les fenêtres fermées sont plus intéressantes que les fenêtres ouvertes. Il va même au-delà, en  proposant une réflexion qui dépasse l'anecdote du tableau inséré au cœur du poème en prose, et qui encadre la fenêtre, presque un art poétique, qui définit la nature et le rôle du poète : c'est un créateur de "légendes", qui prend en charge la misère du monde. C’est d’ailleurs ce que dit C’est ce que dit allégoriquement Baudelaire à Dieu dans le dernier vers de l’ébauche d’un épilogue pour la 2e édition des Fleurs du mal : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ».

Ainsi, en quoi ce poème en prose qui décrit un objet apparemment banal : la fenêtre, parvient par l’intermédiaire d’un éloge paradoxal, allégorique et pictural à révéler indirectement une conception de la poésie et du poète ? Avec ce commentaire linéaire, nous verrons d’abord l’éloge paradoxal de la fenêtre fermée. Puis que Baudelaire propose une réflexion sur la condition du poète et qu’il élabore un art poétique.

I) Eloge paradoxal de la fenêtre fermée

§1 : Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. 

Cette première phrase annonce l’éloge paradoxal. Notons ici le balancement en opposition de la « fenêtre ouverte », avant la coupure marquée par la virgule, avec cette « fenêtre fermée », qui clôt la phrase. La répétition du verbe « regarde », en symétrie de part et d’autre de la virgule, la répétition du démonstratif « celui », appuient sur les deux occurrences du mot « fenêtre », mises en opposition par le jeu de leur fonctionnement, « ouvertes » ou bien « fermées ». Il énonce de fait un paradoxe, en affirmant un point de vue singulier puisqu’un regard externe comme l’indique la locution prépositionnelle « du dehors », permet de traverser l’opacité d’une fenêtre et d’offrir une vision plus sûrement que ne le permettrait une fenêtre ouverte.

Dans cette première phrase, le poème pose ainsi un postulat poétique d’imagination. Il se positionne également, puisque cet anonyme, ce « celui » qui pose un regard différent, ce serait aussi le poète, celui qui permet de transpercer le réel « pour trouver du nouveau », en reprenant ce même Baudelaire Dès le début du poème, le poète affirme ainsi sa position, en tant que témoin extérieur, en tant qu’observateur doué d’imagination, et en tant que poète.

Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle.

Description élogieuse marquée par la tournure exceptive qui met en valeur l’objet et par la gradation ascendante « plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant ». La description est d’ailleurs mis en valeur par l’utilisation d’une rime qu’on pourrait qualifiée de croisée : « profond/mystérieux/fécond/ténébreux » Ces adjectifs réfèrent en effet à des qualités humaines plus qu’à la solidité ou l’utilité d’un matériau. La fenêtre semble ici comme investie d’une personnalité. La contradiction notée, entre « ténébreux » et « éblouissant », renforce cette impression puisqu’il s’agirait ici d’établir une nuance entre deux attitudes possibles, deux attitudes humaines, donc, qui élargissent le champ des comportements. La phrase débute ainsi par une envolée pour doucement s’achever sur un rapprochement syntaxique et humain : la « chandelle », qui regroupe les hommes autour de la lumière.

Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre
Mise en comparaison avec la lumière naturelle, celle du « soleil ». Le regard dérive ce positionnement de l’intérieur vers l’extérieur puisque ce qui est observé « au soleil », sans délimitation stricte, sous un soleil quelconque et dans sa globalité éclairante, s’affine par le prisme du verre, « une vitre », avec déterminant défini, qui recentre l’attention en même temps qu’elle la dirige. Le mouvement derrière la vitre, est, ce sur quoi doit se focaliser le regard, voire la narration. Plus difficile mais plus riche, le regard posé derrière s’apparente aussi à une recherche plus profonde plus féconde. Notons ici que la vitre, par le jeu de ses prismes, multiplie aussi les points de vue.

Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie

Par le jeu d’une construction en antithèses « trou noir ou lumineux », dont la position thématique est d’autant plus forte qu’il complète trois phrases syntaxiques juxtaposées dont le groupe nominal « la vie » est inversé, le mouvement intérieur, s’apparente à un vide, un « trou », avec un choix lexical construit également en antithèse. Contre le néant, le « trou », s’improvise en effet la « vie », donc le plein, le rempli. Le mot « trou », malgré son apparente banalité et son rendu peu joli, offre une multiplicité d’associations, négatives. Néant, nous l’avons dit, mais également gouffre, et mort. Mais en lui, l’autre mouvement, celui de la « vie », s’étale sur trois propositions, par gradation descendante, une première proposition jouant sur la redondance « vit la vie ». Cette tautologie permet de poser une première évidence, en la nuançant cependant par la suite de la phrase qui, en rythme ternaire, ouvre d’autres possibilités à une vie maintenant personnifiée : la vie « [rêve] », la vie « [souffre] », elle éprouve et ressent comme un être humain. À l’intérieur du gouffre, du néant, comme à l’intérieur du foyer protégé par la vitre, se jouent donc des traversées, des mouvements, du bruit et de l’action. Le regard du poète, posé sur cette vitre, s’en échappe pour investir le lieu et le temps alentours en les liant à l’objet de son attention.

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