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Le bonheur est-il concret ou abstrait ?

Commentaire d'oeuvre : Le bonheur est-il concret ou abstrait ?. Recherche parmi 299 000+ dissertations

Par   •  4 Mars 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  7 175 Mots (29 Pages)  •  2 209 Vues

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Le bonheur est-il concret ou abstrait ?

Le bonheur peut être conçu de deux manières différentes : ou bien comme un sentiment concret, ou bien comme une idée abstraite. Dans le premier cas, le bonheur serait donc un vécu, un ressenti, une sorte de plaisir : il s’éprouverait. Dans le second cas, le bonheur ne s’éprouverait pas dans l’instant, il consisterait plutôt en un jugement porté après coup, a posteriori, sur sa vie.

Si le bonheur est un jugement, on peut encore le concevoir de plusieurs façons : (1) d’abord, comme un jugement visant à estimer si nous avons été bien ou mal « lotis », si nous pouvons ou non nous « estimer heureux », c’est-à-dire si nous avons eu ou non de la chance. Cela rappelle d’ailleurs l’étymologie du mot « bonheur » (bon heur, bonne chance : « heur » veut dire « chance » en vieux français, et encore aujourd’hui dans l’expression avoir l’heur de : « je n’ai pas l’heur de lui plaire ») et certaines expressions (au petit bonheur, par bonheur). C’est en ce sens qu’on se jugera heureux, par exemple, si on est sorti vivant d’un accident d’avion, même si on est handicapé à vie, même si on souffre physiquement (et qu’on ne saurait donc être heureux au sens d’un vécu, d’un sentiment).

(2) On peut aussi penser que le bonheur est un jugement parce que toute sensation est douloureuse : seuls la douleur et le malheur s’éprouveraient, le bonheur, au contraire, ne serait rien de positif, il ne désignerait que l’absence de malheur ou de douleur. C’est par exemple la conception de Schopenhauer.

(3) Enfin, le bonheur sera encore un jugement si on le conçoit non comme un plaisir mais comme le contentement ou la satisfaction d’avoir bien agi : là encore il s’agit d’un jugement sur notre passé. Ainsi, selon les Stoïciens, le bonheur se réduit à la vertu : l’homme vertueux, qui agit bien, est heureux. Il ne s’agit pas ici d’une sensation (la conception stoïcienne du bonheur vise précisément à montrer qu’on peut être heureux dans la souffrance) mais au contraire d’un jugement sur notre action passée, sur son caractère vertueux, sur la capacité que nous avons eue à maîtriser nos penchants et nos désirs et à faire le bien.

On voit que la distinction entre vécu et jugement coïncide avec la distinction entre abstrait et concret, et aussi avec la distinction entre relatif et absolu : plus précisément, si le bonheur est vécu, c’est quelque chose de donné, d’absolu au sens où ça ne dépend de rien d’autre ; en revanche, si notre bonheur est un jugement qui compare notre sort à celui des autres ou à un sort moyen (ce qu’il était raisonnablement permis d’espérer), alors le bonheur provient d’une comparaison : c’est un « être de comparaison », il est relatif.

Résumons tout cela dans un tableau :

Bonheur

VECU JUGEMENT

concret abstrait

absolu relatif

juger que nous avons eu de la chance juger que nous ne souffrons plus juger que nous avons bien agi

bonheur =

bien-être, plaisir bonheur =

chance bonheur =

absence de malheur bonheur = contentement, vertu

Est heureux en ce sens celui qui savoure un état de bien-être. Ex : Adam et Eve au jardin d’Eden, avant le péché originel. Ex : vivre des instants de plaisir (musique, soleil, cuisine, etc.). Est heureux en ce sens celui qui est rescapé d’un accident, même s’il souffre. Est heureux en ce sens celui qui a cessé de souffrir : par exemple le convalescent qui sort d’une longue maladie. Est heureux en ce sens celui qui, malgré les maux, a bonne conscience car il est sûr d’avoir bien agi, d’avoir fait tout ce qu’il pouvait ou d’avoir fait ce qu’il fallait. Ex : perdre un match de rugby en ayant « tout donné ».

Le bonheur est-il durable ou éphémère ?

L’opposition entre bonheur et plaisir peut être pensée de deux manières : on peut dire que le bonheur est durable, tandis que le plaisir est éphémère. Mais on parle parfois d’un « instant de bonheur », et on ne veut alors pas seulement dire un instant de plaisir : ce qui distingue donc, outre la durée, le bonheur du plaisir, c’est l’idée que le bonheur est plus entier, qu’il désigne un bien-être complet du corps et de l’esprit, tandis que le plaisir ne concerne que le corps.

On peut aussi remarquer que toute sensation semble éphémère : car nous avons surtout conscience du changement : par exemple, dans un spectacle, notre œil est attiré par ce qui bouge ; de même, bien souvent on ne prend conscience d’un son qu’au moment où il s’arrête, ou au moment où il commence ; de même, on peut penser que toutes les sensations sont éphémères, donc que le plaisir est la conscience d’un changement. Cela expliquerait que le plaisir ne puisse être durable : car toute sensation qui dure finit par se faire oublier, on s’y habitude. Par exemple, l’homme s’habitue à la souffrance (le malade finit par ne plus penser à son mal) aussi bien qu’au plaisir (une fois guéri, il se réjouira dans les premiers moments, mais après quelques jours il n’aura plus conscience de son bien-être). Le plaisir et le bonheur ne pourraient exister que dans le changement, et à partir de leurs contraires (la douleur et le malheur).

Si la sensation est essentiellement différentielle, nous avons donc le choix entre vivre de grands plaisirs entrecoupés de grandes douleurs, ou ne vivre qu’un état permanent de « bien-être » mais qui nous paraîtrait fade et serait ressenti sans grand plaisir.

I. Bonheur et désir

Le bonheur est étroitement lié au désir : en effet, l’objet par excellence du désir n’est-il pas le bonheur ? Et le bonheur ne consiste-t-il pas en la satisfaction de nos désirs ? Nous allons donc commencer par étudier les relations entre le bonheur et le désir.

A. L’hédonisme

Le bonheur est dans la satisfaction de nos désirs : telle est la thèse hédoniste. L’hédonisme est la conception qui fait du plaisir la valeur suprême, le but de la vie, qui identifie bonheur et plaisir. Or le plaisir est conçu comme ce qui accompagne la satisfaction de tout désir ; donc le bonheur consistera, pour l’hédoniste, dans la satisfaction des désirs.

On peut distinguer deux versions principales de la théorie hédoniste :

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