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Commentaire De L'ordonnance Du 9 Janvier 2014, Ministère De L'Intérieur C. Société Les Productions De La Plume Et M. Dieudonné M'Bala M'Bala

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Par   •  28 Novembre 2014  •  2 039 Mots (9 Pages)  •  2 647 Vues

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Commentaire de l’ordonnance du 9 janvier 2014, Ministère de l’Intérieur contre Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala

Bien plus qu’un simple fait divers politique divisant les français, l’affaire Dieudonné est une décision soulevant quelques interrogations sur les libertés fondamentales et la prévention des atteintes à l’ordre public. L’on ne saurait aborder cette affaire sans évoquer, dans un premier temps, le caractère éminemment politique et médiatique enrobant le «problème Dieudonné». Cette ordonnance du Conseil d’Etat s’inscrit dans un contexte de «guerre» menée par le Ministre de l'Intérieur, M. Valls contre les spectacles de l'humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala, le Ministre s’étant préalablement épandu dans les médias par nombre de diatribes envers «l’humoriste antisémite» (dénomination reprise maintes fois dans la presse). Incursion de l’exécutif contre la liberté d’expression qui n’est pas sans rappeler l’interdiction de l’hebdomadaire Hara-Kiri en 1970 par le Ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Marcellin, toujours pour des motifs de trouble à l’ordre public. C’est donc dans un climat de tension entre partisans de Dieudonné, avançant l’argument de liberté d’expression, et pression ministérielle, choisissant, elle, la voie de la défense de la dignité humaine, que s’inscrit cette ordonnance, par ailleurs échue dans un délai record.

Mais si l’on laisse de côté les critiques adressées au pouvoir exécutif, et celles désignant le Conseil d’Etat comme institution politique, nous nous apercevons que le Conseil opère dans le cadre d’une certaine tradition jurisprudentielle de contrôle, même si l’ordonnance Ministre de l’Intérieur c. Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M’Bala M’Bala, du 9 janvier 2014, peut apparaitre comme un certain revirement de jurisprudence par rapport, notamment, au célèbre arrêt Benjamin de 1933.

Par un arrêté du 7 janvier 2014, la préfecture de Loire-Atlantique interdit la représentation du spectacle «Le Mur» qui devait se tenir le 9 janvier dans la commune de St-Herblain. La décision du préfet est motivée par les propos jugés antisémites et haineux tenus par Dieudonné lors de ses précédentes représentations. Basé sur le fondement de la liberté d’expression, ainsi que sur le fait qu’un trouble à l’ordre public ne peut se constater qu’à posteriori, l’humoriste saisit le tribunal administratif de Nantes, qui lui donne raison et suspend donc l’exécution de l’arrêté préfectoral portant interdiction du spectacle à St-Herblain le 9 janvier. Mais M. le Ministre de l’Intérieur ne l’entend pas de cet oreille, et porte un recours devant le Conseil d’Etat, demandant l’annulation de l’ordonnance du juge des référés du tribunal de Nantes, le 9 janvier 2014 (d’où les critiques quant à la rapidité de ce jugement). Le juge des référés du Conseil d’Etat reçoit le recours et affirme l’interdiction posée par l’arrêté préfectoral, désavouant ainsi le juge administratif nantais. Il estime que «les propos de caractère antisémite qui incitent à la haine raciale» sont de nature à entrainer des risques graves de trouble à l’ordre public. Comment opère-t’il la préventions des troubles à l’ordre publique, la protection de la dignité de la personne humaine, sans pour autant porter atteinte au droit fondamental à la liberté d’expression ?

Le juge considère que, lorsqu’il s’agit de prévenir des atteintes à l’ordre publique, les restrictions portées aux libertés fondamentales (ici, la liberté d’expression) se doivent d’être «nécessaires, adaptées et proportionnées» et que le respect de la dignité de la personne humaine est supérieure au respect de liberté d’expression, surtout lorsque celle-ci est susceptible de mettre en péril l’ordre public comme ladite dignité de la personne humaine.

Nous verrons donc que le Conseil considère le contrôle de la prévention des atteintes à l’ordre public comme fondamental (I), et qu’il place la dignité de la personne humaine au centre des liberté fondamentales à protéger (II).

La prévention des atteintes à l’ordre public : la fonction essentielle de la police administrative

Le préfet, en tant que délégataire de la puissance publique, n’a de comptes à rendre qu’à l’Etat, et ses décisions n’ont qu’une visée : celle de la continuité de l’Etat et du service publique, même si celles si peuvent être contestées par le justiciable devant un tribunal administratif (A). Ici, en l’espèce, la contestation s’opère sur la question de la prévention a priori de troubles à l’ordre public, et des infractions pénales (B).

Les moyens du justiciable face à une décision de police administrative : un rapport à armes égales face à la justice administrative

L’arrêté préfectoral, bien que motivé, n’est pas à proprement parler un acte démocratique : le préfet estime que la représentation de Dieudonné pourrait être de nature à troubler l’ordre publique, ce qui, en plus d’être du domaine de l’hypothétique, est un acte unilatéral, bien qu’entrant dans le champ des prérogatives accordées au délégataire.

Le Ministre de l’intérieur rappelle dans sa circulaire du 6 janvier 2014 que le principe de liberté n’est pas absolu, et qu’il doit être concilié avec les nécessités du maintien de l’ordre public. Le maire, ou le préfet, lorsqu’un risque de trouble dépasse le territoire d’une commune, peut donc limiter voire interdire un spectacle lorsque sa représentation ferait courir des risques graves à l’ordre public. Mais Dieudonné estime qu’il s’agit en l’espèce d’une grave atteinte à sa liberté d’expression, confirmé par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, qui décide de suspendre l’arrêté préfectoral. Nous avons là un bel exemple de défense du justiciable face à une décision de police administrative. Dans son ordonnance du 9 janvier, le Conseil d’Etat rappelle d’ailleurs que «la liberté d’expression est une condition de la démocratie» ; il exprime ici la compréhension de la décision rendu à Nantes, même s’il doit la contre-balancer par la suite. En effet, ayant pesé le pour et le contre de la réflexion menée par le juge nantais, le juge des référés du Conseil d’Etat met en exergue les arguments de la préfecture, à savoir les diverse condamnations de «l’humoriste antisémite» pour propos incitant à la haine, et le risque de graves troubles à l’ordre public, sans pour autant balayer du

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