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Peut-on en finir avec les préjugés ?

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Par   •  16 Janvier 2019  •  Dissertation  •  1 737 Mots (7 Pages)  •  2 430 Vues

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PEUT- ON EN FINIR AVEC LES PREJUGES ?

La lutte contre les préjugés se heurte à des obstacles non négligeables. En effet, si nous sommes aujourd’hui si soumis et perméables à des idées toutes faites, c’est aussi parce qu’il existe un terrain favorable à cela. Pour se construire et prospérer, une société a besoin d’une certaine cohésion qu’elle ne pourra acquérir uniquement à partir d’idées communes qui sont pour Tocqueville la base nécessaire à la prospérité d’un groupe social. Selon lui, l’important dans un groupe est que tous les esprits se rassemblent autours de mêmes idées. Or, l’homme est constitué de manière à être différent de son voisin, que ce soit physiquement ou intellectuellement. Ces esprits différents bien que réfléchis, vont donc être amenés à penser les mêmes choses ; notre regard sur le monde est forcément médiatisé par celui de notre entourage et nous ne sommes pas toujours capables de prendre le recul nécessaire pour vérifier la véracité de ces choses. Mais ce recul induit nécessairement un questionnement quant aux idées toutes faites qui nous sont inculquées au sein du groupe, un recul qui n’est possible que si l’on est capable de se servir de notre propre entendement en pensant par nous-même. Parfois la société empêche ce recul car de façon courante chacun est soumis à une opinion, à des stéréotypes véhiculés par la société elle-même et l’idée de les remettre en cause ne viendrait à l’esprit de personne. Pourquoi ? Simplement parce que nous sommes tous bien plus influençables que nous voudrions le croire ; le besoin de conformité peut parfois nous pousser contre l’évidence, et ce de manière consciente ou non. Ceci est la conclusion tirée par Asch dans les années 50’. En effet, il montre que lorsqu’une question est posée et que plusieurs personnes y répondent, les derniers ont parfois tendance à répondre la même chose que les premiers, bien que pas forcément d’accord, par simple besoin de conformité. Lorsque nous sommes conformistes, c’est-à-dire que nous adoptons le point de vue du plus grand nombre, nous oublions que le nombre n’est pas un critère de vérité et qu’une idée partagée par beaucoup peut être fausse. Nous n’avons généralement que très peu conscience à quel point nous pouvons être sensibles à la pression exercée par un groupe et à quel point nos choix peuvent en dépendre. Nous sommes dans la croyance, dans l’ignorance et s’émanciper des groupes auxquels nous appartenons devient alors un véritable combat. Pour le mener, une réflexion personnelle est nécessaire. Car la lutte des préjugés commence par une lutte personnelle contre les idées qui nous ont été inculquées. Nous avons tous dans notre jeunesse été confrontés à des idées que nous avons jugé sans avoir l’usage entier de notre raison. Nous persistons de manière générale dans nos habitudes de pensée, tant que nous n'avons pas rencontré de problème. Si au contraire nos habitudes de pensée nous conduisent à agir de manière contraire à nos intérêts, ou à nos valeurs, alors nous prendrons conscience de nos préjugés et nous pourrons les dépasser. Il est alors nécessaire comme l’a fait Descartes, de remettre en cause toutes nos opinions afin de pouvoir nous appuyer sur des principes que l’on a examinés et jugés et non des principes dont on nous a persuadé durant notre enfance. Descartes tire d’ailleurs un bilan quasiment négatif des études. Il raconte dans son Discours de la Méthode l’histoire de son esprit ; l’histoire d’un désir de connaître et d’apprendre la vérité, l’histoire d’une déception quant à ses connaissances acquises lors de son instruction qui lui semblent bien éloignées de la vérité et l’importance de la résolution qu’il a prise « d’étudier en lui-même ». Cette réflexion est le point de départ de la méthode cartésienne selon laquelle il existerait un usage parfait de l’esprit, un ordre que la pensée devrait respecter pour parvenir à la sagesse. Ainsi, le moyen le plus efficace pour neutraliser tout risque d'erreur consiste à annuler toutes nos pensées. Il ne s'agit pas d'arrêter de penser mais seulement de dévaloriser ces pensées jusqu'à les tenir pour nulles en raison du doute, si petit soit-il, qui continue de les entacher. Une fois cette réflexion menée et nos idées en adéquation avec la raison, nous sommes à mêmes de conduire notre vie et d’agir correctement.

Mais cette lutte reste extrêmement utopique car le préjugé est loin de vouloir signifier erreur de jugement ; il n’est pas contraire à la raison. En effet, le préjugé a la possibilité́ de recevoir une acception soit positive, soit négative. Dès lors il existe des préjugés qui sont vrais et légitimes et donc difficiles à éliminer. De plus, les préjugés sont constitutifs de notre être dans la mesure où ils nous ouvrent un accès aux choses à comprendre, à interpréter et rendent ainsi possibles la compréhension. Alors en finir avec les préjugés peut être préjudiciable.

On sait que les préjugés mettent souvent en échec la connaissance. Pourtant celle-ci les réclame également comme principes. En effet, pourrait-on connaître quoi que ce soit si l’on ne pensait pas à partir de ces principes indémontrables qui sont eux aussi des préjugés ? A travers l’éducation, nous sommes tous « assommés » de ces préjugés qui serviront de base à notre réflexion personnelle et permettront à chacun de construire à son rythme son propre cheminement de pensée. L’objectif de l’éducation n’est évidement pas de délivrer un message, de faire réciter des idées toutes faites ni de faire une leçon de morale, mais bien de muscler l’esprit critique, de cultiver le doute et d’aider les individus à forger leurs propres opinions afin de leur permettre de débattre ensemble et bien sûr d’accepter les désaccords. Ainsi considérés comme fondements de nos connaissances et également de nos actions, ces convictions, ces principes sont bons. Lorsque Aristote compare l’éducation des jeunes au pilotage d’un navire ; il souhaite montrer que comme lorsque l’on dirige un navire, nous guidons l’éducation des jeunes comme bon nous semble en nous basant sur des principes soit disant indémontrables. C’est donc tout naturellement que les jeunes sont amenés à suivre les principes liés au plaisir en s’éloignant de ceux associés au déplaisir car ce sont les principes qu’on leur transmet. Par exemple, un enfant qui fait une bêtise est puni. Et ce n’est pas la bêtise en elle-même qui fera comprendre à l’enfant que ce qu’il a fait est mal mais bien la conséquence de celle-ci qu’est la punition car le principe même de la punition est associé pour l’enfant à ce qu’il ne faut pas faire. Les préjugés sont alors indéniablement nécessaires à l’éducation ; ce sont des préjugés sur lesquels on s’appuie et qui nous permettent ensuite de continuer à penser et à vivre. On ne peut donc totalement les éradiquer, d’autant plus qu’ils sont une base sur laquelle repose la lutte contre les préjugés. En effet, pour lutter contre les préjugés, on a besoin de prendre appui sur des certitudes, des principes qui sont eux-mêmes des préjugés et qui nous permettront de guider notre pensée et notre réflexion. Pour Descartes, il est important de toujours garder une sorte de distance de pensée et de ne pas se livrer totalement à une opinion, incertaine par nature ; l’opinion la plus modérée apparaissant la plus raisonnable car la plus facile à corriger au cas où je découvre après qu’elle est fausse. L’enjeu ici est d’amener l’homme à vivre pleinement ses convictions et de ne pas rester éternellement indécis. Mais pour être certain de notre raison en l’absence de la connaissance du bien véritable, on ne peut recourir qu’à ce qui est probable. Ce concept de morale par provision selon Descartes montre bel et bien qu’il est difficile de se passer de certains préjugés qui sont absolument nécessaire à notre réflexion et donc impossibles à éradiquer. Car nous nous reposons constamment sur des préjugés, parfois même sans nous en rendre compte. Lorsque l’on mène une réflexion, que l’on cherche à améliorer notre connaissance, nous sommes forcés de nous appuyer sur des idées déjà émises mais que l’on n’a pas forcément vérifiées car la condition humaine ne nous permet de tout démontrer par soi-même. En effet, quelle perte de temps cela serait de toujours remettre en question les vérités émises par autrui ; les certitudes seraient sans cesse contestées et alors aucune vérité ne pourrait s’imposer. Nous nous soumettons alors à la parole d’autrui sur un simple acte de croyance, acte qui est en réalité la condition pour faire un bon usage des préjugés. Car en effet, cette servitude à la parole d’autrui nous permet assurément de produire une analyse en profondeur et d’atteindre une véritable certitude que l’on aurait pu atteindre si l’on avait entrepris d’examiner tout par nous-mêmes. Ce choix qui consiste donc à accepter sans vérifier des préjugés que sont la parole d’autrui comme base de notre réflexion est indéniablement nécessaire pour progresser sur le plan de la connaissance. Ainsi, lorsque l’on prend conscience de l’importance de certains préjugés, peut-être remettons-nous en cause la possibilité d’en finir définitivement avec les préjugés.

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